Vendredi 9 Septembre 2022
Drumright, Oklahoma, USA
Stroud, Oklahoma, USA
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32,1
Kilomètres
Jour 96
Entre 6h et 6h30, quand le soleil s’apprête à apparaître, c’est idéal pour marcher. Ce matin j’étais seule avec les grillons et un son très étrange, inconnu. Comme une petite plainte lancinante lointaine. C’étaient en fait les forages pétroliers sur les propriétés des particuliers. Parfois cela sent fort le pétrole. Je vais passer une longue partie de la matinée sur de très petits chemins de cailloux. Au loin, j’aperçois d’immenses cuves de pétrole. Impossible de faire une photo, mais en cherchant par Google satellite, c’est vraiment impressionnant. Je pense que les gens d’ici investissent dans du matériel pour faire de petits forages dans leurs champs, et doivent se faire de l’argent en vendant leur production à la grosse industrie, tellement grande que l’on dirait une ville. Les chemins de cailloux se transforment en chemins de terre, j’espère à chaque fois que j’en emprunte un nouveau que mon gps ne se plante pas, car je ne croise absolument personne. C’est d’ailleurs très agréable, sous les arbres avec pour compagnie un pic vert ultra actif, qui doit être tombé sur une mine de larves. Je sens sur ce chemin que la pluie peut faire des ravages ici. Les cours d’eau qui pour l’instant sont à sec, aux endroits où ils pourraient inonder la route, sont garnis de barrages artisanaux, faits de pneus et de morceaux de métal. C’est incroyable, sur mon chemin, à nouveau une tortue. Elle est très très timide. Elle s’enferme immédiatement dans sa carapace. Je me permets de l’observer de tous les côtés, et trouve fascinant ce que la nature est capable de produire. Ma Chélone du jour est inatteignable, enfermée et protégée dans sa maison ultra blindée. Je la repose au sol et m’assieds sans bruit à côté d’elle pour la voir ressortir de sa forteresse. J’attends très longtemps. J’ai vraiment dû lui faire peur. Après presque 1h, comme l’on écarterait 2 lattes de stores pour regarder discrètement si tout va bien dehors, elle entrouvre lentement l’avant de sa carapace pour guetter ce qu’il se passe et voir si le grand machin qui l’a fait décoller du sol n’est plus là. Tout doucement elle sort un bout de sa tête. Qu’elle est belle. Elle me voit et se renferme immédiatement. Au revoir jolie petite chose, je te laisse tranquille. J’adore attendre de voir se dérouler les événements délicats de la faune. J’aimerais tellement une autre vie pour la consacrer entièrement au documentaire animalier. Mais pour l’instant il faut poursuivre ma route. Je croise 3 chiens misérables et pouilleux qui sont bien embarrassés devant Werner. Ils font moins les malins une fois à sa hauteur. À part plus loin un splendide et élégant couple de bovins d’un noir à en faire pleurer Anish Kapoor, je ne croiserai personne d’autre. Et puis changement d’ambiance radicale. Me voici d’un coup sur la 99 sans espace pour marcher, et ce pendant environ 4h, selon mon gps. C’est reparti pour des plongées régulières dans le fossé pour éviter les camions qui roulent à l’inverse du « Salaire de la peur » ou « Sorcerer ». C’est épuisant. Éreintant. Cette horrible route ne finit pas. En ruines, poussiéreuse et assoiffée, j’arrive à mon vieux motel. Tout y est vraiment pourri, la clim ne marche pas, le micro-ondes non plus, pas de prises électriques visibles, wifi néant, mais c’est propre. Comme il ne me reste plus qu’un sachet de riz à chauffer au micro-ondes, je sors manger, je n’ai rien avalé de la journée. Pas beaucoup de choix, à part des lieux à burgers, un resto mexicain. Ils ont une carte végétarienne. Le plat qui m’arrive est immense et délicieux. Je réussis à presque tout manger. Mais c’est comme si je m’étais nourrie pour 3 jours ! Me voici donc échouée comme une baleine sur le lit d’un motel passé d’âge toujours plus proche de Nulle part.