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Samedi 10 Septembre 2022

Stroud, Oklahoma, USA
Chandler, Oklahoma, USA
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23,2
Kilomètres

Jour 97

Je pensais passer une journée de marche courte et tranquille sur la route 66 que je retrouve ce matin, mais j’ai vécu un cauchemar. Pourtant la matinée a bien commencé. La lune était pleine et me faisait un grand sourire à ma gauche. Des centaines d’oiseaux volaient au-dessus de moi et avaient un repère sur une croisée de pylônes électriques. Ils doivent être en pleine migration. C’est également le temps de celle des papillons monarques, cela fait sens. Le lever du soleil était doux. Le problème est que cette partie de la route ne me laisse absolument aucun espace pour marcher. Je suis complètement sur la route car à 90% du temps le fossé part en pente, impossible de m’y réfugier. Jusqu’à 7h30, pas grand monde sur la route, je gère. Je pense à une conversation que j’ai eu hier soir avec Aurélie (il y a 3 Aurélie importantes dans ma vie, là, il s’agit d’Aurélie qui m’a accompagnée à l’aéroport, avec laquelle je fais des visios devant les merveilles sculpturales de la 66, et qui, quand je présuppose d’un fait où d’une chose que je vois sur la route, fait l’enquêteuse sur la toile et m’envoie des photos, comme pour la ville de réservoirs à pétrole d’hier). Je lui ai raconté que j’ai vu sur le bord de la route une araignée qui ressemblait à une mygale. Mais que j’ai dû avoir une hallu, il faisait encore nuit et je n’étais pas bien réveillée. Eh bien figurez-vous qu’après une longue et sérieuse enquête d’investigation en ligne d’Aurélie, j’apprends que je n’ai pas rêvé. Il existe une espèce endémique, la tarentule brune d’Oklahoma. Et bien sûr, le meilleur moment pour la voir c’est août et septembre, car elle aussi effectue une migration. Vous trouverez donc dans mes photos du jour 2 images qui ne sont pas de moi, de la petite bête. Je suis plutôt fascinée par tous types d’insectes, mais avec les arachnides, j’ai du mal. En même temps, on a aussi cherché les serpents d’ici, et il y a au moins 10 espèces venimeuses. Alors je peux vous dire que les pipis dans les herbes, c’est fini. Les automobilistes américains verront mes blanches fesses, tant pis. Je passe devant une casse pour matériel de forage. Tout pour réparer ou construire sa pompe à or noir en seconde main. Bon, c’est samedi, et à par tondre sa pelouse, on est de sortie. La circulation commence à être complexe. Et les bords de route sont plus que jamais jonchés d’ordures. Il me monte une colère féroce. Nous les humains sommes vraiment immondes. Et ici, Home Sweet Home, mais dehors je balance toute ma merde sans problème. Alors que je suis énervée et en hyper concentration pour avancer en gérant les véhicules qui m’arrivent pleine face, que si je fais un pas de travers, Werner et moi basculons dans le fossé très en pente, et qu’en plus je suis en plein trauma car je viens de voir (et d’entendre) un gros lapin se faire éclater par un 4x4, déboule sur moi un gros pickup surélevé avec des roues plus larges que celles d’un camion. Je mets mes 2 mains devant moi pour demander au mec de ralentir, et il me hurle dessus en faisant des gestes genre dégage dans le fossé, et il accélère très fort exprès pour me balancer de la fumée noire dans la tronche. Là, il me monte un sentiment rare que je déteste, j’ai envie de lui éclater la gueule. C’est viscéral. Je me retourne et lui fait des doigts et des signes en mode viens te battre connard. Je me vois lui balancer un coup de chaussures de marche dans ses petites boules et lui en décrocher une sous le menton pour faire ripper ses vieilles dents. Rien que le fait de l’imaginer me fait du bien. Heureusement, il ne s’arrête pas, mais la non-violente que je suis à une envie folle de taper. C’est con. Ce pays me rend conne. C’était bien plus facile sur les chemins abrupts de Forêt Noire. Ici, je vais perdre mon âme. Normal, je vais abandonner Psyché. Je me calme en entrant dans la minuscule ville de Davenport, qui annonce à son entrée qu’elle a vu naître Miss Oklahoma 2011. Betty Thompson. Information capitale. Souvent à la porte des villes, on annonce ses célébrités. La plupart du temps ce sont des joueurs de Baseball. C’est fou à quel point ce pays a besoin de héros. Cela fait plus de 4h30 que je marche ultra tendue, quoi de mieux pour se détendre que d’aller faire des courses dans un Walmart. Il faut bien se nourrir. Ils sont déjà à fond sur Halloween, incroyable, il y en a partout et ce qui est drôle c’est que juste les rayons d’à côté, il y a déjà les choses pour Noël. Je rêve du marché de Malakoff, de ma librairie préférée, d’être présente à l’apéro que mes Amis sont en train de prendre. Nulle part s’approche. Tenir jusqu’au bout. Je retire un peu d’argent liquide pour mes prochains tattoos. Bien sûr cela se fait aussi en voiture. Les ATM sont en Drive-up. On marche le moins possible ici. Dans un de mes premiers et rares campings, celui où un raton laveur avait attaqué Werner toute la nuit, je voyais les gens venir aux sanitaires en voiture. Nous avons été fabriqués pour marcher non ? Je ne sais plus. Mon motel est ultra old school. Défraîchi est peu dire. Mais tant que les draps sont propres, le frigo fonctionnel et la douche en état, tout va bien. Toujours plus proche. NO SURRENDER.

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Vendredi 9 Septembre 2022

Dimanche 11 Septembre 2022

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La publication de ce journal est une commande du FRAC Bourgogne dans le cadre de son projet sur le récit et ses formes.

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