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Vendredi 26 Août 2022

Republic, Missouri, USA
Mount Vernon, Missouri, USA
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36,4
Kilomètres

Jour 82

J’ai passé les 2000 kilomètres de marche. Et mon corps est en pleine forme. C’est incroyable. Il reste plus de 550 kilomètres à parcourir, tout peut encore arriver. Me faire enlever par des extraterrestres, aspirer par une tornade, être invitée à une grosse fête, sécher sur pied dans la canicule, vivre la fin de l’abondance et de l’insouciance. De l’indécence peut-être. Non, plus probable l’enlèvement par des extra-terrestres. Note pour plus tard : ne plus regarder les informations françaises, j’ai le temps de m’énerver en rentrant. J’ai bien assez à faire ici. Pour l’instant, comme nous toutes et tous, je vais Nulle part. Mon sommeil est fragile et précieux, je ne sais pas qui est l’andouille qui m’a appelé à 3h du matin depuis un numéro inconnu d’un poste fixe à Dijon, mais je n’ai pas réussi à me rendormir. J’entame donc la journée déjà fatiguée. Et ce numéro a appelé plusieurs fois dans la matinée. Je ne peux répondre que si l’on me téléphone via Whatsapp, tous mes Amis et ma famille le savent. Cela doit être un démarcheur de téléphonie ou de matelas. Fini l’abondance on a dit. La marche du jour débute par un petit chemin dans un parc au lever du soleil, c’est agréable. Il y a même des cabanes pour les enfants qui reproduisent les enseignes de grands magasins, c’est chouette l’éducation. Puis j’atterris sur la 174 qui part dans une infinie ligne droite que je vais mettre plus de temps à parcourir en plein soleil que Ellen Ripley n’a dormi dans le Nostromo durant son voyage spatial. Et les gens conduisent comme des dingues, ma priorité est la survie. Les camions n’auront pas ma peau comme celle des dizaines d’animaux que je croise, aplatis comme les pancakes surgelés de chez Dollar General. Je vois et entend une belle tortue se faire écraser en direct. Joli trauma. Vite sortir cela de ma tête. Il y a un moment surréaliste en pleine ligne droite. Puisque je n’ai pas de place pour marcher, les voitures n’ont pas non plus d’espace pour s’arrêter. Pourtant, en même temps s’arrêtent en montant sur le bas-côté un pickup à ma gauche, et une berline à ma droite. Les 2 hommes me proposent un drive. Et ils se mettent à s’engueuler de voiture à voiture pour savoir qui va m’emmener. L’homme de droite a l’air passablement éméché et à gauche la voiture est de toute façon trop petite pour y caser Werner. Et puis lâchez moi les gars, je veux juste marcher, il est 8h45 du matin. Je mets du temps à me débarrasser d’eux et je finis par pouvoir reprendre la route de Buzz l’éclair. Après des heures, je bifurque enfin sur de petites routes de campagne sans circulation aucune. Juste des ranchs, d’immenses troupeaux de vaches de toutes les couleurs, des chevaux et quelques chiens qui défendent leur territoire. Et j’ai une très belle conversation avec un âne solitaire très doux qui accoure à mon passage. Je vois des serpents morts sur la route et une araignée géante qui me font me dire que je n’ai plus très envie de camper. Cela tombe bien, dans les jours à venir on annonce de la pluie et je ne dormirai que dans des motels. Il fait tellement chaud que sur des portions de route, le bitume fond sous mes chaussures. Quelque part dans le Missouri, Werner et moi avons laissé la trace de nos pas et de nos roues imprimée sur une route. Nous finissons la journée en retombant sur une highway saturée de camions et arrivons épuisés et en nage au motel miteux du soir. Pendant que j’écris ce texte, je reçois en direct des images du live de Nick Cave à Rock en Seine. Quel Bonheur. Merci mon Aurélie d’Amour. Merci. Merci. C’est encore meilleur que ma douche glacée.

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Jeudi 25 Août 2022

Samedi 27 Août 2022

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La publication de ce journal est une commande du FRAC Bourgogne dans le cadre de son projet sur le récit et ses formes.

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