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Vendredi 2 Septembre 2022

Vinita, Oklahoma, USA
Claremore, Oklahoma, USA
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(48) + 18,8
Kilomètres

Jour 89

Cela commence à être vraiment pénible, jamais une journée ne peut se dérouler sans au moins une grosse galère. Venus est vraiment en manque d’imagination pour ruiner le moral de Psyché, cela devient n’importe quoi. À l’image du monde me direz-vous. Malheureusement. Ce matin j’avais rendez-vous à 7h avec Henry pour un drive car le plus proche endroit pour dormir ce soir était à 63 kilomètres. Henry est le veilleur de nuit du motel. Il a accepté de m’emmener à la fin de son service. La pluie s’est jointe à nous sans prévenir et sans que nous n’ayons rien demandé, et nous sommes partis sur la 66. Henry est normalement à la retraite, il a travaillé 37 ans comme gardien de prison. Il n’a pas de famille et vit seul avec son chien. Au lieu d’aller se reposer après sa nuit de travail, il me rend ce service. Ce n’est pas du tout sa route, mais il le fait et ne voudra pas de l’argent que je lui propose pour son temps et l’essence. Il émane de lui une douceur triste. On parle à nouveau tornades. C’est mon obsession depuis que j’ai vu l’abri en béton en cas de tempête. On en croise plusieurs, et il me dit que beaucoup de gens font construire cela dans leur jardin, car la plupart des maisons sont comme du carton. L’idée d’habiter ici avec comme éventualité celle de t’enfermer dans un blockhaus pour en ressortir en constatant que tout ce que tu possèdes est détruit me glace. J’ai demandé à Henry de me déposer dans une station-service au bord de la 66 qui a pour effigie mon roi Kong. Je ne pouvais pas rater cela. Henry s’arrête, il pleut encore mais sans orage. Je fais des photos et reviens à la voiture pour en sortir Werner. Mais Henry me dit qu’il ne me laissera pas là toute seule, que la route est dangereuse, il me déposera plus loin encore, là où j’aurai de l’espace pour marcher. Tout ce temps qu’il prend sur son sommeil me touche. Il me pose à la station-service suivante. Merci Henry pour cette gentillesse immense. Je vous souhaite du bonheur. Plein. La pluie a cessé, mais le ciel reste très menaçant. Je passe devant un autre abri, cela me fait stresser, il faut que je me détende et que j’évacue ce stress permanent des intempéries bien implanté en moi. Mais je ne gère pas, c’est mon corps qui garde la mémoire de mes moments de frayeur intense sous les plus gros orages que je n’ai jamais connus. J’arrive en ville bien trop tôt. Pour rappel, ces 30-35 minutes en voiture sont égales à 10 heures de marche. Je me prends une bonne averse et m’abrite le temps qu’elle passe sous le toit d’un magasin fermé depuis longtemps. Il n’y a pas grand-chose à faire à Claremore, à part visiter un musée des armes. Non vraiment, merci. J’arpente donc le quartier historique et ses bâtisses en briques et comme d’habitude, mes musées sont les Antiques Malls. J’en visite deux. Pas grand-chose d’intéressant, à part un shaker seventies qui me donne juste envie d’un gros apéro avec mes Amis qui commencent vraiment à me manquer, même si on se parle souvent au téléphone. Je passe un long moment assise au sol dans le second magasin à tenter d’écrire NOWHERE avec de vieilles lettres en plastique utilisées sur les devantures des cinémas, pour afficher les prix ou les menus devant les motels et les restaurants, ou pour faire une belle citation devant les églises. Hélas il me manque un H. Tant pis. J’aurai au moins passé 1 heure à ne penser à rien. J’avais prévu de me faire mon premier tattoo en Oklahoma ici, le nom de la ville sonne bien, mais le seul tatoueur est booké pour la journée. Je file donc le long de la 66 à quatre voies pour trouver mon motel qui est très loin en dehors du centre, vers l’ouest. J’arrive pile à l’heure du début du check-in, tout va bien. Mais les 3 meufs derrière le comptoir me disent que le motel est complet. Je leur montre ma réservation, le mail de confirmation et celui de bienvenue. Non Madame, il n’y a pas de chambre pour vous. Trois motards costauds arrivent, ils ont eux aussi réservé des chambres et elles leur disent la même chose. Cela s’envenime, je pense même à un moment que cela va en venir aux mains. J’attends. Les hommes partent furieux et tout en insultes. Je redemande, je dis que je suis seule et à pied, que depuis 3 mois je réserve par Booking et qu’il n’y a jamais eu de problème. Sortez Madame, nous ne pouvons rien pour vous. Je demande s’il y a un autre endroit pas trop loin et elles m’indiquent un hôtel Hilton. Je marche quelques kilomètres, il ne reste qu’une seule chambre à 256 dollars. Il y a comme des petites fêlures dans ma tête qui craquellent jusqu’à l’os. C’est le prix de 4 ou 5 de mes nuits habituelles. Je fouille mon plan et regarde s’il n’y a pas autre chose plus loin sur ma route. Seulement un autre hôtel au même prix. D’autres personnes arrivent pour demander une chambre. Là, c’est soit ils la prennent et je suis sans toit au milieu de rien, soit je crame un gros bout de mon budget. Je crame. Avec dépit dégoût désespoir lassitude. Je me retrouve dans une chambre qui pourrait être un appart dont je ne vais guère profiter, car demain j’ai prévu de me lever avant l’aube pour une grosse étape. Je passe du temps au téléphone avec Booking pour annuler ma réservation au Motel 6, et on me confirme que celle-ci avait bien été faite. Quelle sera le prochain coup mesquin de Venus. À suivre. Tenir bon.

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Jeudi 1 Septembre 2022

Samedi 3 Septembre 2022

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La publication de ce journal est une commande du FRAC Bourgogne dans le cadre de son projet sur le récit et ses formes.

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