Samedi 20 Août 2022
Richland, Missouri, USA
Lebanon, Missouri, USA
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34,7
Kilomètres
Jour 76
Levée à 5h pour être prête à 7h. Hier soir, j’ai négocié avec le patron du camping un petit drive pour me remettre sur ma route, et m’éviter ainsi l’heure de marche dans l’autre sens depuis mon site de nuit. Après quelques minutes en pick-up sans discussion, me revoici sur la 66 pour 7 heures de marche jusqu’à ma ville du soir. La pluie n’était pas prévue au rendez-vous mais elle est là. Très indécise. Je ne fais que mettre et enlever ma cape de pluie. Cela m’occupe en longeant toujours la même autoroute sans fin. La route fait des vagues. Cela doit être tripant en moto. Je meurs de faim quand enfin surgit une toute petite station-service. Il faut absolument que je me trouve quelque chose pour prendre des forces. Mon végétalisme en prend un bon coup, mais tant pis, j’ai vraiment besoin de manger, je me fais une pizza au fromage. À 9h du matin. Heureusement, je ne sens toujours pas le goût, mais avoir un truc bien lourd dans l’estomac me fait du bien. Je me félicite toute seule car je passe devant un Antiques Mall sans même lui jeter un œil. Il y en a marre des vieilleries. J’avance. Je mange la route à vive allure car j’ai un objectif. Me faire encrer LEBANON, avec une pensée immense pour ma libraire préférée (chez Zenobi à Malakoff). C’est Marcus qui m’encre ma première ville du Missouri. Il est gentil. Il a 5 enfants dont 2 jumeaux. À côté, un frère et une sœur se font tatouer tous les 2 un astronaute avec la lune. En attendant mon tour avec eux, je tente une discussion. Vu le thème de leurs tattoos, je lance la conversation sur le fait que la NASA va lancer dans quelques jours une nouvelle fusée non habitée vers la lune. Ils ne sont pas au courant et s’en foutent complet. Ils ont réellement l’air de demeurés. Marcus est tellement content de faire partie du projet qu’il ne me fait payer que 30 dollars au lieu des 60 annoncés par son boss. Je repars joyeuse dans la fournaise et traverse une zone de garages, de casses et de concessionnaires automobiles, et arrive à mon motel du soir. La machine à laver est en panne. Je fais une partie de ma lessive à la main en écoutant Nick Cave, puis j’en ai marre, je laisse le reste tremper et j’écoute très fort « The Lebanon » de Human League et je danse. C’est bon. Et puis, une fois n’est pas coutume, je sors manger. J’ai repéré un restaurant asiatique. Alors je vais me faire plaisir. C’est un bonheur total d’ouvrir et de déguster des edamames chauds. Cela fait partie des choses que je préfère manger. Je les savoure avec la mémoire du goût. Juste les ouvrir et avoir les doigts plein de sel, je me délecte. Pour choisir un plat sans viande, on m’envoie la cuisinière. C’est Lanie. Elle vient des Philippines. Avant elle travaillait à Singapour. Elle cuisinait pour les ambassadeurs. Elle se souvient que le français s’appelait Jean-Claude. C’est à Singapour qu’elle a rencontré son mari qui est de Lebanon. Elle rêve d’aller en France. Mais dit-elle, les Américains doivent toujours travailler. Car il faut toujours payer payer payer. Les taxes, le loyer, les assurances, la médecine. Elle n’a pas droit à l’Obama Care car avec le restaurant elle gagne trop d’argent. Elle est heureuse d’avoir une Française à sa table. Alors elle me cuisine exprès un plat de légumes. C’est un enchantement. Je sais que c’est délicieux juste avec les yeux. Je rentre au motel qui s’est complètement rempli. Je fouille mes plans, je prends un bain avec Nick Cave et étoile sur le lit.