Samedi 11 Juin 2022
Teetertown Ravine Nature Preserve, New Jersey, USA
Phillipsburg, New Jersey, USA
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34,1
Kilomètres
Jour 6
Alors il y a quelque chose que j’ai volontairement omis de dire hier soir pour n’affoler personne (et surtout pas ma maman), c’est que Linda et David m’avaient prévenu que dans ce parc où j’ai dormi, il y a des ours. Ils m’ont fait mettre ma bouffe et ma trousse de toilette (les ours adorent le dentifrice) loin de mon campement. Bon, j’avoue que malgré le calme et la beauté de l’endroit, je n’ai pas beaucoup dormi. Trop de sons inconnus, de cris animals non identifiés. À 3h30 j’étais totalement réveillée. J’ai rangé un peu l’intérieur de ma tente et attendu que l’aube arrive vers 5h. À 6h pile Werner était rangé mieux que jamais et nous avons levé le camp. Ont suivi 3h d’extase. Le lever du soleil dans la forêt, un silence parfait sans humains, des écureuils partout et des dizaines de biches seules ou avec leur petit. Elles ne sont pas farouches, très curieuses même. Elles font 4 bonds puis se retournent et te regardent longtemps avant de fuir en faisant un cri qui ne ressemble pas aux aboiements des chevreuils de chez nous. Mais plus comme le son d’une chouette effraie. Un pchhhhtttt très fort. Que j’avais entendu cette nuit déjà. La forêt est magnifique, il fait frais, je nage en plein bonheur les premiers kilomètres. Arrivent les premières maisons, cossues, un nid de fans de Trump. Drapeaux et pancartes partout. Certaines font même très peur. Et j’atterris sur la route 57 que je vais suivre trèèèèèèèès longtemps. À l’infini. Rien d’intéressant à regarder. Une École Militaire, des églises Roman catholic, Adventist, United Methodist, Vincentian congregation. Mais comment font-ils pour s’y retrouver. Je traverse Washington, une petite ville triste et pauvre. Toujours des Trump 2024 à foison. Il va falloir que je me fabrique un mental d’acier parce que des routes toutes droites et pleines de circulation comme celle-ci, je vais en parcourir un maximum. Je bois du Coca-Cola pour me booster (ça marche) et je me force à manger. Je ne ressens jamais la faim avec la fatigue et la chaleur. Le seul lieu que je trouve pour grignoter un truc est un fast-food qui ne paye pas de mine. Je mange un Avocado Toast et franchement c’est bon. Cela me fait du bien de manger chaud. La route s’étend comme pour toujours. Les cimetières ne servent à rien ici, il n’y a pas de banc pas d’eau pas de toilettes pas d’ombre, ils sont juste là pour me rappeler l’état dans lequel je suis en fin de journée. Un vieux zombie. Heureusement, le ciel reste très couvert toute la journée, c’est l’idéal pour la marche. Dans chaque petite ville que je croise depuis le début du périple, sont affichés sur les poteaux électriques les portraits des héros de la ville. Des militaires, flics, marins, qui ont servi leur patrie depuis WWII (2ème guerre mondiale) jusqu’à aujourd’hui. Pas d’écrivains, artistes ou aventuriers, non, la nation. Et pas d’héroïnes. Je quitte enfin la route 57 pour une autre ligne droite mais calme et dans les champs. Alors que je pourrais enfin reposer mes oreilles des camions, 4x4, et autres voitures surboostées, un connard s’entraîne au tir avec différentes armes quelque part pas loin de la route. À chaque salve de tirs, je hurle des insultes en français. Cela me fait un bien fou ! Par une vélo voie longue comme la distance de la terre à la lune, j’arrive enfin à l’entrée de la ville de Phillipsburg. Dans une immense zone commerciale, enfin un vieux motel bien pourri. Mais la chambre est immense et clean. Je fais ma lessive. Cela prend un temps et une énergie folle de laver son linge à la main. Comme à chaque fois que je fais cela, j’ai une pensée émue pour nos arrières grands-mères au bord des lavoirs. Quel labeur. Alors qu’il n’est que 18h, je lutte pour ne pas m’endormir. Je vais prendre un bain, j’en ai bien besoin. Je me suis fait mordre par un truc sur le front. Certainement une araignée dans la forêt. J’ai un œuf de caille au coin de ma frange !
Et pour demain, j’ai ma procuration.