Dimanche 12 Juin 2022
Phillipsburg, New Jersey, USA
Bethlehem, Pennsylvanie, USA
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29,6
Kilomètres
Jour 7
J’ai enfin passé une vraie nuit. 7h de sommeil, bonheur. Je traîne un peu ce matin, mon linge n’est pas sec et mon corps crie de tous les côtés pour rester allongé. Il va falloir qu’il enregistre que nous sommes partis pour 4 mois ainsi. Werner et moi ne décollons qu’à 9h. Il pleut des trombes. Peu importe, nous sommes équipés, aguerris depuis le Paris - Munich et j’adore marcher sous la pluie. Et puis le meilleur, l’extase absolu, c’est quand enfin tu retires ta capuche. C’est jouissif. La jolie petite ville de Easton nous fait changer d’État en traversant la rivière. Juste avant, en quittant Phillipsburg, je vois ma première héroïne : Frances Fulse, dans la marine pendant la guerre froide. Bonjour Madame. Je fais un arrêt dans la même chaîne de fast-food qu’hier, il y a le wifi et l’avocado toast est délicieux. Je fouille mon plan et me rends compte qu’un chemin qui longe une rivière peut me mener jusqu’à ma destination du soir. Je mets un moment avant de trouver comment accéder à ce trail. La pluie a cessé et cela aura vraiment valu la peine de se perdre un peu car une fois sur le sentier c’est exceptionnel. Je passe ma journée à marcher dans la forêt au bord de l’eau. C’est ce que je préfère au monde. Les arbres sont immenses, les oiseaux multicolores et il y a des biches tous les 100 mètres ! Je suis mieux que dans un rêve, Werner est comme un foufou. Je surveille régulièrement les résultats des élections. Alors que je marche comme dans un monde parallèle dans lequel ne vivraient plus que des oiseaux, retentissent des sons de moteurs épouvantables. Et un speaker qui hurle dans un micro. C’est quoi ce bronx en pleine forêt ? Je croise Barnaby, un vieux monsieur anglais qui marche tout doucement. Je lui demande ce qu’il se passe. Sur l’autre rive de la rivière a lieu une course de moto. Le but est de monter le plus haut possible sur une pente quasi à angle droit sur la paroi de la montagne à qui on a enlevé les arbres pour l’occasion. Les motards se lancent toutes les minutes. Par un petit coin je peux entrevoir juste le haut de la piste. Barnaby regarde avec moi. Je lui dis vous êtes fous les Américains ! Mais je suis anglais ! Je lui dis adorer l’Amérique pour ses paysages et ses exubérances. Il est d’accord et me dit aimer les Américains mais pas le gouvernement et les lois. Le deuxième amendement le rend fou. Il était teacher en Oklahoma (!), et la dernière tuerie d’enfants au Texas lui a brisé le cœur. Nous parlons longuement des armes, je lui montre mes photos de pancartes prises hier. Il me dit vous verrez en Oklahoma, ils sont très accueillants. Très conservateurs aussi mais curieusement très accueillants. Ok Barnaby, je m’en souviendrai dans 3 mois ! Il adore le projet, prend ma carte et me salue. Une poignée de main douce, élégante, chaleureuse. Il m’aurait bien invité dans sa maison mais sa femme et lui sont en maison de retraite. Quelques biches plus tard, derrière la rivière apparaît une immense usine désaffectée. On y travaillait l’acier. C’est beau. J’arrive à ma ville du soir, mais avant je dois hisser Werner sur un pont qui nous mène à Bethlehem. La ville a l’air incroyable. J’ai réservé pour le prix d’un motel une chambre dans un hôtel dans une maison du 19e siècle. C’est d’un goût étrange mais cosy. C’est confort. Je n’ai absolument plus rien à manger alors je vais dans mon premier diner. C’est très bizarre de marcher en tongs et sans Werner. J’ai du mal à trouver quelque chose à manger sans viande sur la carte. Je demande juste des pommes de terre avec des champignons. La serveuse me regarde comme si j’étais du pays des oiseaux. Cela met un temps fou à être servi mais je m’en fous, cela me permet d’écrire ce texte. Au moment de payer la patronne m’offre le repas car j’ai attendu trop longtemps ! Mais quelle magnifique journée !! Et là, je suis dans un bain et j’écoute les résultats des élections ce qui élargit sévèrement mon sourire qui a été constant aujourd’hui.