Mardi 23 Août 2022
Marshfield, Missouri, USA
Strafford, Missouri, USA
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23,6
Kilomètres
Jour 79
Pour rejoindre la 66 je traverse un quartier de maisons cossues, la plupart ont 3 garages. 3 voitures pour une famille donc. De toute façon ici, si tu n’as pas de voiture, la vie est impossible. Même les gens les plus pauvres, qui vivent dans de vieux mobiles homes aux fenêtres cassées ont une grosse voiture. Si tu n’en a pas, tu es homeless. Cela fait plus de 2 mois et demi que j’expérimente l’Amérique sans véhicule. Et c’est juste une folie. L’infatigable route 66 serpente un moment en pleine campagne avant de se coller sans fin à l’autoroute. Je fais un nouveau sauvetage de tortue. Celle-ci est moins timide. Elle est jolie. On discute un peu. Elle agite ses pattes. Je la garderais bien avec moi. Mais sa place est dans la forêt. Je lui fais juste traverser la route sur laquelle elle s’était périlleusement lancée. Pour oublier la circulation sempiternelle, je pense Land Art. Le 2 septembre ouvre, après 50 ans de secret et de construction, la pièce « City » de Michael Heizer. C’est en plein désert du Nevada, j’ai toujours rêvé de la voir, comme le « Roden Crater » de James Turrell, toujours inachevé. « City » a l’air complètement dingue. La pièce ne pourra être visitée que par 6 personnes par jour, et ne pourra être arpentée qu’à pied. Cela doit être incroyable le silence du désert et cette construction si mystérieuse. Je vais tenter une réservation, mais je crains que ce ne soit déjà complet pour des mois. Comme quand le « Lightning Field » de Walter de Maria a réouvert après 2 ans de fermeture à cause du Covid. La Dia Fondation qui gère le lieu avait annoncé une date précise pour les inscriptions pour cette année. C’était un lundi je crois, à partir de minuit heure locale. J’avais mis mon réveil, préparé mon mail de réservation que j’ai envoyé à minuit et 1 seconde. Mais pendant cette seconde, tout était déjà complet pour 1 an. J’ai déjà eu la chance de voir cette pièce. Tu es logé pendant 24h dans un petit chalet en bois avec 4 autres personnes, face à la pièce, et tu attends l’orage dans un silence absolu. C’est magique. (Désolée pour les personnes qui ne connaissent pas les œuvres de Land Art dont je parle, mais cherchez un peu, vous ne serez pas déçus). Je voulais vivre cela à nouveau avec mon amoureux. Car quand je serai arrivée Nulle part, il viendra me retrouver et nous aurons quelques jours ensemble pour aller voir autre chose que des lignes droites et des stations-services. Nous allons pénétrer dans quelques cartes postales de l’ouest américain avant de rentrer en France. Et puis je veux faire une photo sur le site de Trinity, qui a accueilli les premiers tests de l’arme atomique. Lors du tournage de mon film « & A Fade to Grey », j’ai déjà filmé ce lieu, mais il y a une image que je regrette de ne pas avoir fait. Alors je vais remédier à cela. Ce sera juste un petit crochet vers le sud sur notre route vers l’ouest. En voiture tout sera possible. Toutes ces pensées m’ont fait arriver à mon motel du soir. Encore un Super 8, c’est devenu ma chaîne préférée. Maintenant que le goût m’est revenu, je me suis trouvée une nouvelle boisson très sucrée, un thé glacé, qui va être ma nouvelle source d’énergie chimique. Une fois dans ma chambre, je déballe mes affaires de Werner quand une grosse alarme se met en marche. Tout le monde se retrouve dans le hall. Ce n’était qu’un test incendie. Je plaisante en disant que j’ai cru à l’annonce d’une tornade (à partir de maintenant, je suis dans la zone où cela peut arriver. L’Oklahoma qui est encore à quelques jours de marche est qualifié par tous mes interlocuteurs comme étant l’Etat des tornades). J’entame une discussion avec Carl. Il s’occupe de l’entretien général du motel. On commence à parler tattoos. Il me montre son dos. Une scène de Scoubidou que je ne tenterai pas de qualifier. On rit beaucoup puis on se met à parler tornades. On échange nos expériences. Il a échappé à 2 grosses d’entre elles et a aussi été foudroyé. C’est son bras qui a pris. Il était parti en week-end à la campagne pas loin d’ici, « with my fiancée », quand c’est arrivé. J’adore quand il dit « fiancée » avec son accent américain. Je ne comprends pas tout ce qu’il me dit dans les détails, il parle vite. Mais ils ont eu très peur, et la foudre l’a juste caressé. On finit par se dire que l’on ne sait jamais ce qui va arriver, que c’est pour cela que la vie est intéressante. Sa philosophie, à laquelle j’adhère à 100% est qu’il faut vivre à fond l’instant présent. Carl, you made my Day.