Jour 78

Sur ma route, aucune étape accessible en marchant une journée. Alors il a fallu que je trouve quelqu’un pour m’avancer un peu en voiture. J’ai demandé hier soir à l’accueil du motel et en 30 secondes c’était réglé. C’est Magen, qui travaille à la réception qui m’emmène contre un petit peu d’argent. J’ai démonté Werner pour qu’il puisse entrer dans la voiture et en quelques minutes une longue partie de marche s’est envolée. Magen a voté Biden, elle déteste Trump. Son travail à la réception du motel est éprouvant. Souvent elle se fait insulter par les clients mécontents. Mais dans sa formation, on lui a dit de toujours garder le sourire et de ne jamais élever la voix. Alors elle encaisse. Elle n’est pas contre le Deuxième Amendement, grâce à lui, elle est vivante dit-elle. C’est parce qu’elle avait un flingue qu’elle a pu échapper à son mari qui voulait la tuer. Aujourd’hui il est en prison à Lebanon. Elle a 2 enfants. C’est leur rentrée des classes aujourd’hui, mais elle ne pourra pas les voir ce soir car elle travaille jusqu’à 23h au motel. Elle n’a pas réussi à se faire remplacer. Elle me dépose et repart très vite pour le travail. Elle est si belle et souriante. Avoir croisé cette vie si rude me bouleverse et je fais mes kilomètres en pensant à elle. Elle était rassurée lorsque je lui ai dit que j’avais un couteau avec moi. Elle vit pour ses enfants. Je fais un détour un peu hagarde pour faire des courses dans un supermarché. Arrivée à mon motel, j’ai besoin de faire décrocher mon cerveau des images que je me suis fabriquée de la vie de Magen. Comme d’habitude il n’y a qu’un Antiques Mall pour regarder autre chose que des voitures et des fast-foods. Alors j’y erre. Puis je me force à manger. Le goût est revenu mais pas l’appétit. Conduire Psyché vers Nulle part est une épreuve âpre et difficile. Mais c’est crûment la réalité.