top of page

Lundi 29 Août 2022

Neosho, Missouri, USA
Wayandotte, Oklahoma, USA
>>>>>
35,7
Kilomètres

Jour 85

Je suis en Oklahoma, l’État dans lequel je vais me séparer de Psyché. Et on peut dire que malgré la difficulté de la marche (mais ça c’est la routine), cela a été un jour de chance. Je me suis réveillée bien trop tôt, il faisait nuit noire lorsque j’ai commencé à marcher. Mais la météo annonçait de très gros orages à partir de 8h, donc je voulais marcher un peu sans pluie et sans le stress du tonnerre et des éclairs. Le lever du soleil dans les nuages est sublime dans mon dos. Je vais marcher toute la journée sans passer devant un seul endroit pour acheter de l’eau. Je bois donc par parcimonie. Et ce n’est pas facile car la chaleur est tropicale. L’orage couve, mais ce que me dit la météo en direct n’est jamais raccord. Il ne pleut absolument pas alors que sur le site je suis sensée être sous des trombes d’eau. Franchement on devrait virer tous les gens qui bossent là-dedans, jamais rien n’est juste. On pourrait donner l’argent qui sert à ces annonces fausses aux pauvres gens. Ce serait plus utile. Comme je stresse en permanence en attendant que le ciel se déchaîne au-dessus de moi, je marche à nouveau en musique. Avec un autre mix de Stuart Ullman (pseudo de mon amoureux sur radio MLK, emprunté au personnage du manager de l’hôtel Overlook dans « Shining »). Il fait tellement lourd que j’envie les vaches qui sont carrément dans l’eau. Après une longue route de campagne, je me retrouve à nouveau sur la 60 West avec son espace pour marcher, mais aussi ses dizaines d’animaux aplatis et ses camions qui se croient dans « Mad Max ». Je sais qu’à un moment l’interminable route va me faire changer d’État. Je m’impatiente, je vois la frontière sur ma carte mais il semble que plus j’avance, plus elle s’éloigne. C’est hyper dur physiquement, mes jambes, elles, avancent sans problème, elles sont devenues comme des machines. Mais c’est la chaleur qui ruine le corps. Quand enfin je distingue au loin la pancarte OKLAHOMA, même si elle est moche, elle me semble être la plus belle chose du monde. J’affiche un sourire débile. Honnêtement, je ne pensais pas réussir à arriver jusque-là. Je suis connement émue. Je prends le temps de faire des photos de Werner et Indie devant la chose et je reprends la route comme si je portais mes manquantes Jumping Shoes. Mais la route est encore longue. Je dois rester focus. Ne pas relâcher ma concentration. La 60 file vers l’horizon et l’orage couve toujours, plus de 6h après son annonce. Un homme arrête sa voiture sur l’autre rive de la route, traverse en courant et me glisse 7 dollars dans la main. Pour vous aider me dit-il. Je n’ai rien le temps de dire, il est déjà reparti. Alors que j’angoisse depuis l’aube qu’un orage violent me foudroie, mon téléphone émet le même son d’alerte qu’il avait diffusé pour l’alerte inondation. Panique générale. Je ne comprends pas le message qui s’inscrit sur mon téléphone. J’en envoie immédiatement une copie d’écran à mon Spoutnik Emma qui m’avait déjà aidée et soutenue lors des alertes précédentes. C’est en fait un message de la police qui annonce un enlèvement d’enfant dans la région où je suis. On doit appeler le 911 si on voit le véhicule cité dans le message. Pauvre enfant. Quelle horreur. Ce périple me met face à des réalités que je ne pouvais pas imaginer. Je survis aux camions fous et arrive à mon étape du soir qui est bien différente de toutes les autres. Je vais passer la nuit dans un hôtel casino. Il n’y avait rien d’autre sur ma route. De nouvelles pancartes apparaissent, elles indiquent la direction des abris en cas de tornade. Ne pas y penser. Je prends ma chambre et une douche, et je file visiter l’endroit. Il faut aussi que je mange, je n’ai rien dans le ventre depuis hier soir, j’ai marché sans faire de pause pendant 8h. Les chambres n’ont ni frigo ni micro-onde, je vais donc me restaurer dans le casino. Et croyez-le ou non, mais c’est pure réalité, à l’instant même où j’entre dans l’espace casino et ses centaines de machines à sous, panne d’électricité. L’orage de la mort s’abat maintenant sur la région. J’ai eu une chance folle d’arriver avant car c’est une vraie gigantesque tempête. Le personnel du lieu s’affaire pour remettre toutes les machines en marche. Je mange un repas très diététique en regardant les gens jouer. Tu peux mettre directement ta carte bancaire dans les machines et jouer non-stop. Et te ruiner. Je pense à ces 7 dollars que m’a donné cet homme, et je me dis que je vais les jouer. Même lorsque je suis allée à Vegas, je n’ai jamais fait ça. Je cherche sur quelle machine jeter mon dévolu. Pas de jeu King Kong. Je choisis « La petite boutique des horreurs ». Je glisse les 7 billets de 1 dollar dans la chose et j’appuie sur le bouton PLAY. J’appuie 3 fois, sans comprendre ce que je fais, et ça se met à faire plein de sons et d’images dans tous les sens sur l’écran. Incroyable, I won. 22,57 dollars. Cela me fait bien marrer, je m’arrête là, imprime le voucher et vais chercher le cash chez le cashier. Je suis heureuse comme une enfant devant son premier vélo avec mes 20 balles en poche. Dehors le tonnerre et la pluie défient quiconque veut sortir. J’ai échappé à ça. What a lucky day.

1-logo1-TRANS-2-Revers.png

<

Dimanche 28 Août 2022

Mardi 30 Août 2022

>

1-logo1-TRANS-2.png

La publication de ce journal est une commande du FRAC Bourgogne dans le cadre de son projet sur le récit et ses formes.

Fondation Antoine de Galbert
FRAC Bourgogne
Artothèque de Caen
Station Mir ・ Festival ]Interstice[
Maison des arts - centre d'art contemporain de Malakoff
Association La Belle Époque
bottom of page