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Lundi 15 Août 2022

Cuba, Missouri, USA
Saint James, Missouri, USA
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25,6
Kilomètres

Jour 71

J’ai passé les 1700 kilomètres. Les semelles de mes chaussures sont bien usées. Par endroits, on est à la 2ème couche de revêtement. Mais pas du tout de la même façon d’un pied à l’autre. Chaque pied doit avoir une façon différente d’attaquer la route. Quoi qu’il arrive, j’irai jusqu’au bout avec ces chaussures. Elles font partie de moi. Il fait lourd. La 66 est carrément ennuyante sur cette partie qui longe continuellement l’autoroute. Sauf, sauf, qu’à un moment il y a une curiosité magistrale. Je vis sa découverte en direct WhatsApp avec mon Amie Aurélie qui, avec sa petite fille, suivent de près mon périple, et savaient bien avant moi que j’allais passer devant un monument d’histoire américaine. Un rocking-chair géant. On se marre bien du néant de la chose. Puis j’ai marché dans le vide en suivant la ligne blanche de la 66. Tout est tellement insipide jusqu’à l’horizon que la pensée ne s’accroche à rien. Si au moins ce vide abyssal était accompagné de silence, j’imagine que je pourrais y trouver une sorte d’absurde poésie. Mais le son incessant de l’autoroute anéantit toute circulation d’idée. À un moment, même les panneaux publicitaires sont vides. Vide d’images. Vide de mots. Tout cela accompagné d’absence totale de goût et d’odorat, je suis même vide de l’odeur de mon corps. Je mange vide. Je bois vide. Je fume vide. Je ne sais pas si mes fringues puent. Si les chambres de motel sentent le renfermé ou le produit désinfectant. Le vide de Nulle part est partout. Je m’arrête dans un endroit qui vend du vin et des produits de la ferme pour demander de l’eau fraîche. J’ai ma Thermos, vide elle aussi, à la main, mais on me vend 2 petites bouteilles d’eau en plastique. Bon d’accord. Et là, joie, bonheur, surprise, on me parle. Un homme qui achète du vin me questionne sur ma marche. Quand je dis que j’ai commencé à marcher à New-York, cela impressionne maintenant. Cela semble loin. La plupart des gens ici n’y sont jamais allés. L’homme me dit que dans 1h de marche, il y aura un super endroit pour manger. Le Signal, à Saint James. Et bon courage pour la suite. C’était un court échange simple, mais qui m’a sorti du vide. C’est comme si j’avais remis un mousqueton sur la ligne droite. J’ai repris la marche avec envie et bonne humeur. Il suffit de pas grand-chose. À l’entrée de Saint James, exactement comme dans un film, contrôle de police. La sirène et les gyrophares qui se mettent en marche quelques secondes avant que la voiture ne se gare à côté de moi. La vitre se baisse. Vous venez d’où, vous allez où, où dormez-vous ce soir. Après avoir répondu à toutes ces questions avec mon bel accent ridicule, c’est plutôt cool. C’est une femme. Elle me dit de bien faire attention à moi et Have a good one. Je fais un tour dans Saint James pour essayer de trouver ce restaurant dont m’a parler le Monsieur. Il n’y a pas grand-chose. J’entre dans un hangar qui devrait être un Antiques Mall, mais cela ressemble plutôt à un bronx gigantesque. Dans une pharmacie, j’achète du produit pour soulager mes piqûres de tigres. J’ai une bonne quinzaine de demi balles de ping-pong incandescentes sur le corps qui envoient des signaux à toutes les bases militaires secrètes du pays. Ce n’est pas facile de penser à de la philosophie dans ce cas. Merci de ne pas faire de commentaire sur le nom du produit. Je n’ai jamais trouvé le resto en question. Mais de toute façon je n’ai pas d’appétit, cela m’aura au moins donné l’énergie d’arriver à l’étape du soir. Le produit pour apaiser les balles de ping-pong est totalement inefficace. Ma peau va encore envoyer des signaux toute la nuit. Pourvu que cela n’atteigne pas Poutine et qu’il laisse la centrale nucléaire de Zaporijia tranquille. Cela fait tellement peur.

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Dimanche 14 Août 2022

Mardi 16 Août 2022

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La publication de ce journal est une commande du FRAC Bourgogne dans le cadre de son projet sur le récit et ses formes.

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