Jour 70

Ce qu’il y a de bien avec les moustiques tigres, c’est qu’ils te laissent des surprises. Des petits cadeaux. Tu découvres ces petites intentions au cours de la nuit suivant ta rencontre avec eux. Ne pas gratter le joli collier qu’ils m’ont fait autour du cou. En partant à l’aube, je passe à nouveau devant la sculpture de soucoupe volante. La route est vide, je marche sans devoir me concentrer sur ma sécurité. Alors je pense à la façon dont on représente les Aliens. Partout ici je vois en déco ou gadgets ces petits bonhommes verts avec de grands yeux noirs. J’ai une grande théorie sur cette représentation. Certes, elle me vient d’une discussion autour d’une bière avec une tatoueuse de Roswell à Roswell, mais j’y crois à 99,99%. La route est longue alors je vais tenter de vous la raconter.

Pour commencer, une série de faits :
-Tous les enregistrements, témoignages, déclarations de gens qui disent avoir vu des OVNI / UFO, ont lieu dans des zones situées autour de gigantesque sites militaires ultra secrets (la zone 51 dans le Nevada, Roswell est juste à côté de Alamogordo au Nouveau Mexique, où on a fait les premiers essais nucléaires avant de bombarder Hiroshima et Nagasaki)
-En 1947, près de Roswell, se crashe au sol un objet « non identifié ». C’est l’affaire de Roswell. La chose s’écrase sur la propriété d’un paysan, un redneck, comme on dit ici, qui témoigne de cela : il a vu tomber du ciel une chose de forme circulaire (notre représentation des soucoupes volantes de « Plan 9 from out of Space » à « Independance Day »), lorsqu’il s’est approché, il a vu à l’intérieur un corps petit, verdâtre, avec de grands yeux noirs en amande (la fameuse image que nous connaissons toutes et tous). Cela lance le mythe, qui va jusqu’à « X-Files ». Le gouvernement américain parlera du crash d’un ballon sonde.
-En 1941, c’est l’attaque surprise de Pearl Harbor par les Japonais, l’Amérique entre alors dans la seconde guerre mondiale.
-Fait moins connu, cela déclenche une vague géante de racisme envers les Américains d’origine japonaise et les Japonais. On parque alors des milliers de personnes dans des camps de concentration (le camp de Poston, en Arizona par exemple).

Et maintenant voici mon Alien Theory :
La description de l’Alien se trouvant dans le « vaisseau » que fait le paysan qui n’a jamais vu un étranger de sa vie, est simplement celle du corps inerte d’un homme japonais. La peau verte est juste une peau très claire, l’homme est de petit gabarit comparé aux fermiers du coin, les grands yeux noirs sont simplement des yeux bridés. Le pauvre homme servait de cobaye à l’intérieur d’une expérimentation militaire. Il ne venait pas nous visiter d’une planète lointaine. C’est aussi simple et tragique que cela. « I want to believe », No Way.

Ceci étant dit, vous faites de cela ce que vous voulez. En tout cas, j’ai commencé à marcher ce matin avec la lune en face de moi et le soleil qui se levait dans mon dos. Le ciel est resté couvert toute la journée, ce qui était plaisant car la grosse chaleur prévue n’est jamais vraiment arrivée. Dans une station-service où je refais le plein d’eau, je craque sur une connerie à 0,39 dollars qui fera bel effet dans ma cuisine, sur le mur d’objets culinaires tellement idiots ou kitchs, qu’ensembles ils sont magnifiques. La route est tranquille jusqu’à ma destination du jour, Cuba. Dès l’entrée dans la petite ville, celle-ci se vante d’être la ville de la peinture murale. Ok. Je fais un détour, je veux voir cela. Effectivement, Cuba a mis le paquet pour se rendre touristique sur la 66. Les murs sont couverts d’événements marquants de la ville. Des guerres, des batailles, la visite de Bette Davis… Et, un mur consacré aux colons français qui, les premiers, vers 1670, ont discuté et négocié avec les natifs de la région, les Osages. Ici, la reproduction montre Jean-Pierre et Auguste Chouteau qui offrent du fromage et du vin au chef de la tribu. My Trump, on leur a pris leurs terres et saccagé leurs traditions avec du pinard et du clacos. Plus loin devant une immense sculpture représentant cette tribu au milieu d’un nœud d’autoroutes, j’en pleurerais. J’arrive à mon vieux motel encore un peu plus proche de Nulle part.