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Jeudi 7 Juillet 2022

Triadelphia, Virginie Occidentale, USA
Saint Clairsville, Ohio, USA
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34,2
Kilomètres

Jour 32

Juste une journée pour traverser la pointe nord de la Virginie occidentale et je suis arrivée en Ohio.
La matinée commence par une descente sur des kilomètres dans une forêt. C’est un bonheur d’entamer une étape ainsi. Dans la fraîcheur du matin, j’ai comme une illumination. Ce livre de Richard Brautigan que j’aime tant, « La vengeance de la pelouse », le titre m’a toujours paru énigmatique. Cela lui semblait peut-être absurde à lui aussi tous ces hectares de pelouses rasées avant même de pouvoir laisser apparaître une petite fleur. Ces douces pensées me mènent à nouveau sur la 40 West. Miracle, c’est plat. Triste mais plat. Des travaux, des gens qui vivent dans de vieux mobile-home, des entreprises de pneus, des garages. Ici pas de pelouse à tondre. Juste une ligne droite de misère.
Après un gigantesque entremêlement de routes, je trouve enfin un petit sentier exclusivement réservé aux piétons et aux vélos, qui va me faire suivre une rivière pendant un long moment. J’attendais ça avec impatience. Bon évidemment, c’est très aménagé, ce n’est pas le petit chemin de randonnée que j’avais imaginé, mais au moins je peux marcher tranquille. C’est drôle, le chemin ne débute pas loin d’une autoroute donc il est jonché de gigantesques panneaux publicitaires. Les gens viennent faire leur jogging ou un peu de marche. Ils ne sont pas très polis, tiens donc. Particulièrement deux pétasses (pardon du mot mais il est justifié) qui marchent un temps à mon niveau. Je les salue avec toute la joie que j’ai en moi de marcher enfin au calme, et elles ne me répondent même pas. Elles me toisent dédaigneuses. Alors là je leur ai parlé longtemps en français et je ne leur disais pas des choses que je pourrais répéter ici. Elles ont accéléré le pas pour me distancer, je pense qu’elles n’ont jamais marché aussi vite. Les arbres sont majestueux et les oiseaux pleins d’entrain. Et puis bien sûr, on tond la pelouse sur les bords du chemin. C’est quand même sacrément agréable.
J’avais hâte du moment où mes 2 copines allaient revenir dans l’autre sens (parce que tous les gens qui me doublent reviennent dans l’autre sens, ils ont tous leur voiture garée au départ du trail). Enfin les voilà ! Elles me font un sourire gêné, je leur dis encore quelques mots en français, cela fait tellement de bien. Lorsque l’on se rapproche de la ville, le chemin passe sous un tunnel de 1904. J’adore. À l’intérieur je lance un Youhouhouhou qui résonne. Et j’arrive dans la ville. Wheeling. Je m’y sens bien immédiatement. Les vieux bâtiments sont impressionnants, beaucoup sont abandonnés. Je traverse la ville et franchis la rivière Ohio. Le pont est en travaux, fermé à la circulation. C’est assez déroutant, je marche avec le vide sous mes pieds entre les lattes métalliques. Et je retrouve la 40. Depuis une voiture un homme me répète plusieurs fois qu’il aime mes jambes. Ok mec, j’ai compris. Mais dans ma tête arrive une nouvelle boucle, à chanter avec l’air de Nancy Sinatra : My legs are made for walking and that’s just what they'll do. Et là, un immense Tattoo Shop. Une usine à encres. 8 tatoueurs y officient. Cela fait bien longtemps que j’ai dépassé les 400 miles. Alors Speedy met Wheeling dans ma peau.
Et c’est reparti pour trois heures de marche sur la 40. Mais me faire tatouer me donne toujours des ailes. Et puis il y a un trottoir en béton tout au long de la route, c’est safe et pratique même si je dois être la première à l’emprunter depuis bien longtemps, il y a même un énorme rocher qui barre le passage à un moment. Mais comme depuis des jours et des jours, c’est un jour sans fin, il fallait bien une montée pour finir la journée. Et elle se pose là. La colline de l’infini enfer de la mort qui tue sous 30 degrés sans ombre. My legs are made for walking… Je le chante à chaque pas. 2h de montée plus tard, trempée de sueur, un bon vieux motel m’attend. La tenancière est devant l’office, elle m’a vu arriver de loin, je lui tombe presque dans les bras. Elle me dit que je suis folle de marcher par cette chaleur. Je prends un bain glacé. Le soleil a tapé très fort aujourd’hui, je ne m’en étais pas rendue compte. Ma peau est cuite comme du poulet chez KFC.

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Mercredi 6 Juillet 2022

Vendredi 8 Juillet 2022

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La publication de ce journal est une commande du FRAC Bourgogne dans le cadre de son projet sur le récit et ses formes.

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