Dimanche 24 Juillet 2022
Sud de Plainfield, Indiana, USA
Quarry Lake Campground (Fillmore, Indiana, USA)
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37,6
Kilomètres
Jour 49
Journée complètement dingue.
Réveil bien avant l’aube. Aujourd’hui impossible d’éviter la 40 West. L’idée d’y marcher 7 heures ne me réjouit pas, mais il faut y aller. Pour la première fois je prends la route de nuit. À 5h15 je commence à marcher. Ce soir mon étape est un camping et on annonce de la pluie, je veux absolument planter ma tente avant. Et puis quoi de mieux que de voir le soleil se lever quand on n’a pas fait une insomnie. Je quitte le nid de motels par une banlieue chic et traverse un agréable parc aménagé. Une bien belle sculpture célébrant la famille américaine y trône. C’est bon d’être seule au milieu des arbres. Je savoure d’autant plus que je sais que quelques kilomètres plus loin, la 40 m’attend. La voilà. Une ligne droite en 4 voies d’horizon en horizon. Le ciel est lourd, il fait chaud et moite et le bitume démultiplie la chaleur. Je longe des champs de maïs miles après miles. Je pense à tous ces films où on voit courir des personnages dans des champs de maïs. Il y en a plein. Et j’en arrive à la conclusion qu’Hollywood doit faire pousser ses propres champs pour les tournages, car je vous garantis que c’est impénétrable tellement les plants sont rapprochés les uns des autres. C’est la magie du cinéma. Cette route est d’un ennui sans nom et il n’y a aucun endroit pour faire une pause lorsque mon dos me le demande (c’est lui qui gère les pauses et je l’écoute). Après une éternité éternelle, je trouve un petit magasin fermé avec 2 chaises devant. Je m’y pose un instant, mais le ciel se couvre vraiment et je suis encore loin. Encore 3 galaxies plus à l’ouest, je traverse un petit bourg et y fait mon en-cas ananas. Le slogan de l’une des l’églises du village est le plus incroyable que j’ai vu. Je vous laisse méditer profondément devant la photo de la chose. Quelques heures plus tard, je bifurque enfin vers le nord-ouest et après encore de longues lignes sous un ciel chargé, j’arrive au camping. C’est un lieu privé, il faut être membre pour y accéder. Mais j’ai eu un échange via Facebook et on m’a autorisée à venir y passer la nuit. Je suis accueillie chaleureusement par Desra, une jeune femme qui a l’air vraiment très cool. Le site est tranquille, elle m’en fait faire le tour pour choisir ma place, dans une voiturette de golf. J’adore. Trop bien de circuler avec ça. Je choisis un joli lieu bien au calme sous de grands arbres. L’orage couve tellement le ciel qu’il fait une chaleur à en mourir. Je dégouline littéralement en montant ma tente. Et c’est juste à temps. La pluie arrive alors que je viens à peine de mettre toutes mes affaires à l’abri. Elle est fraîche, cela fait du bien. Comme il n’y a absolument personne autour de moi, je me mets à poil au milieu de la clairière est je prends la meilleure douche qui soit. Je me lave avec la pluie. C’est un bonheur total. Je reste un long moment à profiter de l’eau du ciel. Mais le tonnerre commence à gronder. Il est temps de se mettre sous la tente. La pluie devient torrentielle. Et c’est comme si plusieurs orages se rencontraient et se répondaient. J’adore les orages. J’écoute fascinée. Tranquille allongée sous ma tente. Cela tonne à gauche, puis à droite, devant, juste au-dessus, parfois tout en même temps. Cela fait même des tours. Le tonnerre est tellement fort que le son raisonne jusque dans mon corps. C’est impressionnant. C’est magistral.
Cela ne finit pas, c’est à l’échelle du paysage. C’est de plus en plus fort. Et là, dans un bruit fracassant qui me fait sursauter, un arc électrique passe juste au-dessus de ma tente. Je le vois au travers, le sens dans mes tripes. Je suis terrorisée, j’ai l’impression que la foudre est tombée sur l’arbre juste à côté de moi et j’attends qu’il me tombe dessus. De ma vie je n’ai jamais été sous un orage si puissant. Et cela ne fait qu’empirer. Je regarde la météo sur mon téléphone et je vois une alerte tornade juste là où je suis. On conseille de s’abriter dans de gros bâtiments. Et en même temps je reçois un message de Desra qui me dit que le refuge en cas de tornade ce sont les sanitaires du camping. Là je suis en panique totale. Le tonnerre explose de tous les côtés et le vent commence à se lever. Je ne sais pas quoi faire. Je rassemble mes affaires. Mets le plus important dans un sac, me rhabille. J’attends assise en boule. J’ai vraiment peur. Desra me demande si ça va de mon côté, je lui dis que je suis terrifiée. Elle propose de venir me chercher. Ouiiiiii. 3 minutes plus tard je monte dans sa voiture avec mon petit sac. Elle m’emmène chez elle. Elle vit dans un lieu idyllique, petite maison en bois avec terrasse couverte qui donne sur un lac au milieu de la forêt. L’orage se calme. Il y a des colibris qui volent partout. Desra les nourrit avec de l’eau sucrée. Et on se met à discuter, chacune dans un fauteuil à bascule et on fume. On parle longtemps. Tornade (j’apprends que si on se trouve sans abris et qu’une tornade arrive, il faut s’accrocher très fort à un arbre jeune, car les racines sont plus fortes et plus profondes. J’espère ne jamais vivre ça), voyages, état du monde, politique, avortement, religion. On est d’accord sur à peu près tout. Mais de façon étonnante, elle espère que Trump sera réélu. Elle déteste l’homme qu’il est, mais dit qu’il a fait de bonnes choses pour le pays. Ok. On se raconte nos vies. Elle me fait visiter sa maison ultra simple mais ultra cosy. Mon rêve de petite maison d’écrivain. J’ai du mal à quitter sa compagnie et ce lieu tellement calme et beau. Mais il commence à faire nuit, je me suis levée à 4h30 ce matin et je dois écrire ce texte. Desra me raccompagne, ma tente a tenu le choc. Ma première soirée en compagnie en 49 jours est un bonheur pur. Surtout après avoir échappé à une tornade. Ascenseur émotionnel de très haut niveau. Je viens de sortir pisser, des centaines de lucioles tiennent compagnie à Werner et Indy qui sont trempés. La nuit ne fait que commencer. Il pleut à nouveau. Mais l’alerte est levée. Wow, l’Amérique.