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Mercredi 27 Juillet 2022

Brazil, Indiana, USA
Terre Haute, Indiana, USA
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32,2
Kilomètres

Jour 52

J’ai du mal à me lever encore ce matin. Et c’est le néant de la 42 West qui va me mener tout droit jusqu’à mon étape du soir sous une pluie battante. Petite déprime ambiante dans ma cervelle et dans mon cœur, mais c’est la fatigue. Je regarde mes pieds. Je suis la ligne blanche. J’observe les gouttes qui coulent de ma capuche. Je lève la tête quand une voiture arrive en face de moi et fais des signes aux conducteurs pour qu’ils n’oublient pas de s’écarter un peu de moi. Lorsque les voitures doivent se croiser en face à face, l’une doit s’arrêter pour me laisser passer. Car il est impossible pour moi de marcher à côté de la ligne blanche, c’est un trou d’eau sous l’herbe. Je dois être en attention permanente. Dans les voitures, certains me font coucou et des sourires, mais d’autres sont agacés. Je suis un petit frein à leur vie intrépide. Alors à ceux-là je crie une réplique de « La classe américaine » : « C’est tout ce que ça te fait quand je te dis qu’on va manger des chips ? ». Bon et puis j’avance. Et le moral revient en pensant à Georges Abitbol, l’homme le plus classe du monde. C’est parfois compliqué quand la 42 fait de grosses vagues et que ne n’ai aucune visibilité de ce qui arrive. Et les gens roulent vite. Pas le temps de penser. Juste rester connectée à la circulation. Quand le soleil perce par moment et que je peux enfin retirer ma cape de pluie et avoir le sentiment de redécouvrir le monde, il fait une chaleur à en étouffer. Après des miles, je peux enfin souffler un peu, me détendre, je passe devant un aéroport et il y a de la place pour marcher. Puis je dois franchir un carrefour colossal. Rien pour les piétons. Cela circule dans tous les sens sans arrêt. Pas le choix. Je force la circulation en faisant de grands gestes pour que les voitures me laissent traverser. Juste après, je trouve un petit sentier qui passe dans un parc aménagé, cela me fait un détour, mais je vais entrer dans la ville du soir plus au calme. Il y a plein d’espaces conçus pour pique-niquer, des jeux pour les enfants, des mini lacs et des parkings partout. Les gens peuvent entrer dans le parc en voiture et se garer juste devant les tables et bancs. Vraiment rien n’est fait pour encourager la marche. J’entre dans Terre Haute (prononcez quelque chose comme téouiot) par une longue avenue verte, l’Ohio boulevard. Et c’est très agréable. La ville est toute petite et je vise un tattoo shop car j’aime le nom de cette bourgade, et je suis quasi pile à mi-parcours de ma route vers Nulle part. Alors Gwenyth m’encre TERRE HAUTE sur le haut du mollet. Et je suis tout heureuse. Je trouve mon motel cheap au bord d’une 4 voies et installe Werner dans la chambre. Je dois faire des courses, je n’ai vraiment plus rien. La dame du motel m’envoie dans un Family Dollar, ces magasins comme Dollar General où on vend de tout dont de la malbouffe. Si je veux un vrai supermarché, il faut faire 4 kilomètres au bord de la 4 voies et revenir. Je ne m’en sens pas le courage. Je fais juste 1 kilomètre sous un soleil de plomb qui vient d’arriver pour tenter de trouver quelque chose de mangeable dans ce truc tout à 1 dollar ou presque. Impossible d’être végane ici. Je ne mangerais que des boîtes d’ananas. Trouver des choses sans viande est comme une chasse au trésor. J’achète quelques trucs sous plastique ou en boîte et une espèce de nem aux légumes à mettre au micro-onde. C’est mon repas de ce soir et c’est immonde. Les familles les plus pauvres font l’intégralité de leurs courses dans ce type de magasins implantés absolument partout. Quelle tristesse. Je finirai le récit de cette journée par les derniers mots de Georges Abitbol : « Monde de merde ».

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Mardi 26 Juillet 2022

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La publication de ce journal est une commande du FRAC Bourgogne dans le cadre de son projet sur le récit et ses formes.

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