Mercredi 20 Juillet 2022
Fairborn, Ohio, USA
Indianapolis, Indiana, USA
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33,2 + (168)
Kilomètres
Jour 45
Waaaa quelle journée ! C’est incroyable parfois tout ce qu’un jour peut contenir.
Je me suis levée bien avant l’aube et j’avais mis Werner en tenue de gala (rien ne dépasse) car une petite idée trottait dans le fond de ma tête. Plus qu’une idée, à la fois une envie et une urgence à ne pas devenir dingue.
À 6h le ciel est rose j’adore ça, j’assiste au lever du soleil, c’est toujours réjouissant. Je passe à côté d’une base de l’US Air Force, je vois au loin de gros avions militaires, c’est impressionnant. Ensuite plus aucune place pour le vagabondage des neurones. Je passe d’une route à une autre, vers l’ouest mais toujours des crochets vers le sud. Et partout, circulation dense même sur les petites routes, peu voire pas d’espace pour marcher, lorsqu’il y en a, c’est pour traverser d’horribles lotissements, labyrinthes de maisons qui se ressemblent. On dirait que mon gps s’est mis en mode Routes les plus laides. Travaux, industries, garages, sites abandonnés. Parfois, souvent, c’est dangereux. Végétation qui a envahi le petit espace de bord de route, il faut souvent avancer sur la route directement. Je me retrouve même un long moment à marcher sur le terre-plein central d’une 4 voies tellement marcher ailleurs est impossible. C’est plutôt flippant. Un vrai cauchemar. Et il fait 33 degrés. Je suis dans Dayton nord. Et en fait, je vise la station de bus Greyhound. Je sais qu’il part 2 bus par jour pour Indianapolis. Avec un peu de chance, j’aurai de la place dans le bus du soir. La station est au bout d’une zone à l’abandon. Je la cherche des yeux en épongeant ma sueur. Je m’imagine un énorme bâtiment plein de monde, peut-être il faudra attendre longtemps pour réussir à avoir un billet. Et Werner me coûtera certainement un surplus. Je n’ai rien mangé depuis hier soir. Je me dis qu’à la station de bus il y aura plein de trucs et peut-être même est-ce que je trouverai un autocollant Ohio. Je dois m’y reprendre à deux fois pour comprendre que je suis arrivée. Le lieu est minuscule et décati. Une dizaine de personnes attendent avachies par la chaleur. Personne au comptoir. Je demande si je peux aller à Indianapolis aujourd’hui. La jeune femme drôle et charmante me dit Vous avez de la chance, le bus de ce matin est en retard (il est aux environs de 14h), il va arriver dans 2 minutes. Même pas le temps de fumer que mon carrosse est là. Werner est chargé gratuitement dans la soute sans problème, et c’est parti pour voir défiler 5 jours de ligne droite en 2h30. Nous sommes très peu nombreux dans le bus. Quand je vois depuis la fenêtre le néant d’éternité que je me suis épargnée, je souris comme une enfant à Noël et nage dans un bonheur abyssal qui frôle l’incorrection. Depuis que je prépare ce périple, l’entrée dans Indianapolis me fait peur. Par expérience maintenant, je sais qu’entrer dans une ville est dangereux pour une marcheuse (la journée horrible d’aujourd’hui est une preuve de plus), alors arriver à pied dans une capitale d’état cernée d’autoroutes, je ne veux même pas l’imaginer. Comme j’espère bien aller au bout de cette marche performative, tout en gardant ma santé physique et mentale, je me suis autorisé cet écart. Autrement je me serais éteinte dans les paysages identiques et moroses. Et depuis longtemps, je rêve d’un trajet en Greyhound. C’est mythique de traverser l’Amérique ainsi. J’ai toujours fait mes Road Trip en voiture, c’est l’occasion d’assouvir un petit rêve américain de plus ! Tellement de films montrent des personnages qui fuient, changent de vie ou partent à l’aventure dans ces bus. Et m’y voilà ! C’est donc par l’autoroute, à grande vitesse que je quitte l’Ohio pour l’Indiana. La ville est incroyable. C’est un choc enchanteur de ne plus savoir où regarder tellement tout est fascinant. Après m’être posée dans un hôtel central, je file errer dans le cœur de la ville. Je marche au hasard vers ce qui m’attire. Je me fais un riz aux légumes et ananas dans un resto thaï. C’est succulent et mon ventre est tout ébloui de recevoir enfin des goûts aimés. Beaucoup de gens me hèlent pour parler tattoo. Il fait 35 degrés alors je me réfugie dans un centre commercial qui a l’air de parcourir tout le centre-ville. Je m’y perds. Presque tout est fermé mais je trouve deux parures pour Werner, un autocollant Ohio et un autre Indiana. Il est tout heureux de se marquer lui aussi de ce périple éprouvant. Nous sommes heureux tous les deux. Indiana nous voilà.