Mardi 6 Septembre 2022
Tulsa, Oklahoma, USA
Sand Springs, Oklahoma, USA
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17,2
Kilomètres
Jour 93
Furieux anniversaire Monsieur Herzog. Je pense à vous chaque jour sur la route de Nulle part. Tout mon respect. 80 ans et toujours en pleine création. Vous êtes au sommet de mon panthéon. Cela fait 3 mois exactement que je marche dans ce pays plein d’antagonismes. J’y ai eu quelques joies, un peu de bonheur, de belles rencontres et d’autres moins, d’immenses frayeurs, du dégoût, du désespoir et des questions à l’infini. D’après ma carte et l’étude de mes étapes, et si Venus ne s’acharne pas d’une façon ou d’une autre sur Psyché, je devrais arriver Nulle part dans une douzaine de jours. Je commence doucement, tout doucement, à penser à l’arrivée. Je ne sais pas à quoi m’attendre. Je n’attends rien en fait. Arriver Nulle part me suffira. Que les gens qui y vivent soient une secte sataniste ou des hippies joyeux, ou encore dans l’indifférence totale de ma présence m’importe peu. Il sera juste temps pour moi de me séparer de mon alter égo, de mon Amie et ma sœur, de celle qui m’a donné la force de crier et de résister. Je continuerai mon chemin d’artiste et de militante seule. Mais pour l’instant il faut rester concentrée sur les dernières étapes qui vont être les plus difficiles. Celle d’aujourd’hui était toute petite. Elle m’a juste permis de sortir de la ville. Je m’étais prévu un chemin un peu alambiqué, sur des voies réservées aux vélos, afin de marcher en toute liberté avec le soleil comme seul ennemi. Mais en plein chemin, une pancarte indique que la route est fermée. Je demande à un monsieur qui promène son chien si je peux passer malgré tout. Il me dit oui. Alors j’avance. Et quelques kilomètres plus loin me voici devant un trou béant rempli d’eau. La route est belle et bien coupée. Je tente le coup, et réussis à passer avec Werner, non sans peine, dans la boue et les éboulis. Nous voici tous crottés, mais à nouveau sur le chemin. Plus loin, à nouveau des panneaux qui indiquent un détour. De détours en détours détournés, en passant par des quartiers où règnent misère et pauvreté, je finis par retomber sur la voie pour vélos. Elle me mènera, avec à ma droite l’autoroute et à ma gauche une voie de chemin de fer et une 4 voies jusqu’à la zone commerciale dans laquelle se trouve mon motel du soir. Je fais un nouveau détour pour aller voir à quoi ressemble le centre de la petite ville. Pas grand-chose à voir. Je trouve malgré tout un autocollant Oklahoma pour Werner. Il est content, alors moi aussi. Il nous suffit de peu pour garder la rage d’avancer. Je fais quelques courses chez Aldi. Tiens, une enseigne que nous avons aussi. Je trouve tout ce qu’il me faut, même des produits véganes, pour un prix dérisoire comparé à des achats du même type dans un Walmart. Je rejoins mon motel. Il est flanqué d’une piscine. En plein milieu d’un parking de béton et entre 2 routes. Jamais je n’y glisserais un orteil. Douche, hydratation de la peau et photo de mes pieds, ce qui signifie repos. À demain.