Jour 107

Nulle part.

C’est le grand jour. Celui de la dernière photographie. La fin d’un cycle de travail. Je vais quitter Psyché. La belle aventurière. L’amoureuse remplie d’une curiosité telle qu’elle a failli en mourir. Je l’ai laissée s’abandonner devant tous les sites nucléaires français, belges, suisses, espagnols, anglais, écossais, quelques centrales américaines également, elle a vu Tchernobyl, Hiroshima et Fukushima, elle s’est évanouie dans le Rio Tinto, à Seveso, Prora, Zollverein, Detroit, dans le port de guerre de Vladivostok, sur la plage de verre d’Ussury Bay, la mine de charbon d’Embach, au bout du pipeline Portland-Montréal, dans une décharge sauvage, des champs pollués au glyphosate, devant BFM, Amazon, Bayer, dans un oceanarium, un ancien zoo humain, la cage d’un gorille solitaire, et bien d’autres lieux absurdes et toxiques que l’humain a défiguré, où il a détruit la faune, la flore et l’espoir d’un futur meilleur. Aujourd’hui elle est lasse. Tellement lasse. Nous sommes Nulle part. Après un périple de 106 jours et 2602 kilomètres de marche, je l’ai faite s’effondrer une dernière fois, aux premières lueurs du jour, face contre terre, ventre noué, le cœur battant à tout rompre, le corps meurtri et marqué par les épreuves. Les papillons bruissent. Les mots se taisent. Elle pleure et me quitte. Je pleure et la laisse m’abandonner. Nowhere.

PS : La photographie sera rendue publique lors de mon retour en France. Pour l’instant je quitte les réseaux quelques jours pour filer vers un autre projet, sur le site du premier test atomique américain, au Nouveau-Mexique. À plus tard !