Lundi 4 Juillet 2022
Bentleyville, Pennsylvanie, USA
Washington, Pennsylvanie, USA
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27,6
Kilomètres
Jour 29
Les feux d’artifices de l’Independance Day ont commencé hier soir, juste au-dessus de l’Aigle géant et du Mac Donald. J’ai préféré vos messages reçus ce matin. Merci pour toutes vos pensées, encouragements, blagues, c’est mon petit bonheur au réveil.
Il fait frais à 7h, il n’y a pas un chat sur la route, je suis complètement seule, aucun bruit dans la ville, on dirait que tout le monde a disparu. C’est bon de commencer la journée ainsi. Je fais un gros détour pour réussir à passer au-dessus de l’autoroute et c’est reparti direction ouest. Je suis longtemps l’autoroute sur une petite route sans aucune circulation. Je sais faire abstraction du son de celle de la highway, à Malakoff je vis juste à côté du périph, mon cerveau est habitué à ce son, j’oublie donc cela facilement. La marche est très agréable. Je profite de la fraîcheur matinale pour réfléchir à mon travail. Les prochaines étapes, futures pièces et expos. Parce que je suis en train d’accomplir quelque chose d’important. Je vais Nulle part pour y abandonner mon personnage de Psyché que j’endosse depuis une dizaine d’années. Elle et moi avons parcouru le monde d’un site toxique à un autre pour des films et des photographies. Nulle part, je réaliserai la dernière photographie de ma série « Entertainment » et ainsi abandonnerai Psyché à tout jamais. Je hurlerai seule à partir de là. Elle ne sera plus vectrice de ma colère. Comme elle, je fais une grande épopée, pour mieux pouvoir nous détacher l’une de l’autre. Nous quitter en sueur avec amour.
La route devient un peu ennuyeuse et le soleil commence à taper. Je me repose la tête ne pensant à rien d’autre qu’à mon travail. L’introspection je l’ai déjà faite pendant les 1000 kilomètres du Paris - Munich, sur Le chemin des glaces. Je me laisse juste porter par mes pas et tout glisse. Une seule voiture passe, elle fait demi-tour, s’arrête et un monsieur me propose une bouteille d’eau. Ça alors c’est gentil. J’ai le sourire pendant les kilomètres suivants en me disant que tout est possible. Et là, soudainement, incroyablement, merveilleusement, un papillon monarque vient voler autour de moi. Il reste longtemps, me tourne autour. C’est une vraie visite. Je lui parle comme à un ami pas vu depuis longtemps. C’est très émouvant pour moi qui suis en train de me détacher de Psyché, la dame aux papillons, le dernier (47ème) encré dans ma peau à Malakoff pendant une lecture. Je mets des kilomètres à m’en remettre jusqu’à atterrir sur la 136 West. Et là commence l’enfer. Circulation infernale, peu d’espace pour marcher, soleil brûlant, pas d’ombre, montées de la mort. Je fais une pause assise à même le sol lorsque je trouve de l’ombre et je bois mon jus de citron ultra sucré et chimique mais qui rebooste. Ensuite, plus le temps de penser. Il faut être ultra attentive et concentrée sur la route tellement les voitures roulent vite. Parfois il faut même bondir dans le fossé. 136 West je te hais. C’est le cauchemar car cela se met à monter encore et encore. Chaque pas est une lutte, à chaque virage cela monte encore plus. Cela ne finira donc jamais ? Je pense à mon petit monarque solitaire du matin. Tu étais tellement joli. Mais tellement. C’est quand cela se met enfin à descendre que j’entends un Do you need a ride ? Merci mais je ne vais pas me priver de cette descente. Pendant la montée de la mort, j’aurais certainement dit oui. Je suis sensée arriver dans une ville et en fait me voici dans une grosse bourgade chic où tout le monde a l’air mort, il n’y a personne, comme si la fin du monde avait eu lieu. Ce soir je voulais sortir pour voir les feux d’artifice, mais à l’accueil du motel, on me dit que c’était samedi. De toute façon je m’en fous un peu, et puis une fois douché, mon corps refuse de bouger à nouveau. Mes pieds font grève après 720 kilomètres sur du bitume.