Dimanche 4 Septembre 2022
Tulsa, Oklahoma, USA
Tulsa, Oklahoma, USA
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8,4
Kilomètres
Jour 91
Day off à Tulsa. C’est dans la somptueuse Villa Philbrook, construite en 1927, que se trouve le musée que je suis allée visiter ce matin. Le commissariat de la collection est exceptionnellement engagé. Toute l’histoire du pays mise sous le tapis est déployée ici par les œuvres et leurs conjugaisons. Colonialisme, racisme, tueries abjectes, discriminations. Dans une même salle par exemple, on trouve une représentation d’un vicomte français réalisée par Philippe Duval, peintre français de la cour, qui date du 17ème, face à une immense toile d’un artiste afro-américain contemporain, Kehinde Wiley, qui détourne une toile de Vélasquez en remplaçant le roi Phillip IV d’Espagne par un homme noir de Los Angeles, et, sur un 3ème mur, le portrait du chef Lakota Weasel Bear peinte en 1906 par Joseph Henry Sharp, artiste américain qui portraiturait les Amérindiens. Une salle raconte l’histoire abominable du Ku Klux Klan en Oklahoma, accompagnée de collages de Skip Hill, artiste noir. Et tout est à l’avenant. Vidéos d’artistes trans, féministes, œuvres multiraciales, d’artistes natifs, mixées avec Picasso, Kandinsky ou des toiles de la Renaissance. Les cartels expliquent à merveille les intentions et les œuvres des artistes (désolée pour les non anglophones dans mes photos du jour). Quelle claque. Quel bonheur. Quel soulagement même. Enfin un contre-pied à tout ce que j’ai traversé ces 3 derniers mois. L’expo temporaire met à l’honneur Frida Kahlo. Mais c’est complet. Le musée est très visité. Plus que jamais je me rends compte que l’art est indispensable. S’il peut ouvrir des esprits rabougris et haineux, c’est gagné. On pourra peut-être s’en sortir. J’ai comme un petit espoir. Un petit. Il devrait y avoir des musées comme celui-ci partout. Je discute sans le savoir avec le directeur du lieu. Scott. Je lui raconte mon histoire et lui dit à quel point ce lieu me fait du bien, a été salvateur pour ne pas m’effondrer face à l’image que me renvoyait l’Amérique. En m’apprenant qu’il est responsable de cela, il me dit à quel point ce que je lui dis le touche. On se remercie mutuellement. Je conseille à toutes et tous la visite du Philbrook Museum. J’erre un peu dans le jardin magnifique en me demandant de quel côté penchera la balance. Ne jamais oublier ce petit espoir et continuer à travailler. À réfléchir. À produire des formes qui interrogent et provoquent des débats. Même s’ils sont houleux. Nous n’avons plus le choix. Sinon, on va toutes et tous Nulle part. La poésie, la rage et l’humour en moins. Juste la triste réalité et la connerie humaine. Le profit et l’indifférence. J’ai vraiment bien fait de m’offrir ce off à Tulsa. J’avais prévu d’aller visiter un autre lieu d’art, mais je suis remplie. Je n’ai plus de place. Je suis bien. Je me balade un peu Dowtown en cherchant l’ombre pour aller voir le Centre de l’univers. C’est une place avec un cercle pavé, et quand tu te mets à l’intérieur, tu es censé être au centre de l’univers. Sur le chemin, je rentre dans un petit resto sympa pour y manger des nems aux légumes et je discute avec Josh, qui travaille là. Toujours à cause de mon accent, les questions m’amènent à raconter mon histoire et à déplier ma carte avec les gommettes. Josh me dit qu’avant d’aller Nulle part, je dois aller au Centre de l’univers. C’est là qu’il a donné rendez-vous pour la première fois à son amoureuse. Je trouve cela très beau. Comme prévu je me rends donc sur la place où des dizaines de personnes se prennent en photo dans ce cercle. J’y fais la photographie Nowhere du jour. L’ombre se faisant de plus en plus rare, je rentre à l’hôtel. Ma peau doit se retaper. Je reconnais la fenêtre de ma chambre de loin. Cela me fait rire. Mon linge y est suspendu. Ce matin, par habitude, je me suis réveillée à 5h30 et j’ai fait une lessive en attendant de voir le lever du soleil. Maintenant, long repos. Pour arriver Nulle part et en repartir entière et plus encore. NO SURRENDER.