Phoenix, Arizona, USA
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Indio, Californie, USA
Vendredi 14 Juillet 2023
7 + (400)
Kilomètres
Jour 13
On en avait convenu avec ma famille et mes ami.e.s, je ne vais pas Nulle part pour mourir. L’épisode caniculaire est exactement autour de moi et dans ma direction, il va faire 47 degrés aujourd’hui à Indio. Comme l’année dernière avec Indianapolis, j’avais prévu sur ma feuille de route d’entrer dans Phoenix (dernière mégalopole de ma route avant le vide urbain) en bus Greyhound. Je devais partir d’un peu plus loin (Blythe), mais avec des étapes très longues, où le soir il n’y avait rien pour dormir. J’écoute donc Michael et toutes les personnes auxquelles j’ai montré ma carte ici, il ne faut pas marcher sur cette portion américaine en cette saison, je risque ma vie. Alors j’ai été raisonnable, je me suis réservé un bus pour 11h15. La petite heure de marche pour arriver à la station de bus ne fait que me conforter dans l’idée d’engloutir plus de 15 jours de marche dans le désert avec 4h35 d’autoroutes. La Greyhound Station est une petite bicoque au milieu de rien, qui tremble quand juste derrière passe un train. Heureusement, il y a un ventilateur devant lequel nous nous tankons avec Werner. Un homme sans dent ambiance le lieu avec du hard rock qui crie depuis son téléphone. Le bus a du retard. Cela n’inquiète personne. S’il y a une chose que je déteste, c’est bien attendre. Ce sentiment de perdre du temps. Et puis le film commence. À la place du pop-corn, un mélange de graines pour randonneurs. À gauche et à droite du désert sans fin. Effectivement impossible à traverser, je ne suis ni un Marine, ni ce connard de Mike Horn. On passe même devant un camion qui transporte de la paille et dont la cargaison a pris feu toute seule. Lors de la pause à Blythe, il fait 47. Sortir du bus est comme entrer avec Dante dans un des cercles. Le film reprend. Fabuleux travelling bi-face. Me voici en Arizona. Immersion dans l’image. C’est monumental. Cactus géants. Montagnes, grandes plaines. Musique à fond dans les oreilles. Extase. Cinéma dans le réel. Je danse sur mon siège avec certainement un sourire béat. Amenez-moi un cheval et Clint Eastwood. Pendant que vous regardiez (en France) les feux d’artifices, j’admirais des mini tornades de sable. Et c’était somptueux. Puis Phoenix arrive. Cinquième ville du pays. Autant dire que c’est gigantesque, et entouré de montagnes. Arrivée à la gare Greyhound, géante celle-ci, je commande un Lyft. Je suis loin du centre, le coin est peuplé de pauvres gens complètement défoncés. C’est Manuel qui me conduit. Il me questionne à propos de Werner chargé dans son coffre. Alors je raconte. Mon histoire le passionne tellement qu’il en rate le passage au vert de plusieurs feux. Arrivés au motel, il demande que l’on fasse un selfie. Il me souhaite bonne route et stay safe. Depuis mon arrivée, personne ne m’a bénie, contrairement à ma marche par l’Est, où je l’étais au moins dix fois par jours. Mon motel est au centre-ville. Tout semble neuf. Je pars directement faire un tour de quartier pour voir comment je supporte la chaleur. À deux rues de ma chambre, un tattoo shop où « tous les corps sont les bienvenus ». Ultra clean, chic, beaucoup de goût. Alors c’est parti direct. PHOENIX dans la peau. C’est Genesis qui me l’encre. Elle est adorable. En même temps que moi, Allie se fait tatouer une sublime plante agave en fleurs sur tout le dos. « The world is so small » me dit-elle, son ami vient de finir de traverser les États-Unis en courant avec ses deux chiens. De Los Angeles à la Floride. Pour la cause transgenre (il s’appelle Cal Dobbs, allez voir, c’est fort). Genesis est merveilleuse, elle m’offre le tatouage. Je suis tombée dans un endroit magique au bon moment.
Nowhere is my future.