Goodnight, Texas, USA
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Claude, Texas, USA
Vendredi 11 Août 2023
26,7
Kilomètres
Jour 41
Motivation zéro quand le réveil sonne. Le lit douillet tente de corrompre mes courbatures et coups de soleil. Pourtant il faut y aller, on annonce 40 degrés aujourd’hui, il faut avancer un maximum avant que le soleil ne violente tout. Je quitte Claude avec tous les chiens qui aboient sur mon passage. Impressionnant, à 6h30, l’équipe de baseball du village s’entraîne déjà sur le stade. Motivés les gars. Il fait déjà chaud. La température finira par être indécente. Bonjour 287. J’entame la journée directement avec un niveau de décibels complètement hors norme. Je pourrais faire un copier-coller de la marche d’hier. La distance est plus courte, mais avec 5 degrés en plus. Un jour sans fin. Mais pas de marmotte ici. Les marmottes texanes sont toutes réfugiées climatiques en Pennsylvanie. Aujourd’hui les conducteurs de camions ont eu envie de me klaxonner pour dire bonjour. Il faut dire que cela doit faire bizarre de voir quelqu’un marcher au bord de cette route en feu. Mais ils ne doivent avoir aucune idée de ce que leur klaxon fait aux tympans d’une marcheuse. Je me repose un moment à l’ombre de Werner, tant qu’il peut m’en offrir. Un petit moment tranquille mon dos contre son ventre. On regarde passer les trains. Je ne sais pas comment j’ai réussi à faire la fin de la ligne droite, en pleurant certainement, mais les larmes ne coulaient pas, elles s’évaporaient. À la bifurcation pour aller à mon Airbnb du soir, un magasin spécialisé dans la peau de bison. J’y entre pour enfin sentir de l’air frais. Outch. Peaux de loups du Canada, couvertures en coyotes et ratons laveurs, des centaines de bêtes tannées pendouillent partout. Je sors de là au plus vite et entame le long chemin qui me mène à ma maison du soir. J’y arrive proche de l’évanouissement, et la récompense est immense. J’ai pour moi seule la maison de vacances de Charles Goodnight, construite en 1922, pour que le monsieur s’y repose loin des affaires de son ranch. Elle est tout au bout du chemin, face à son immense propriété aride. Ce monsieur n’était pas n’importe qui, outre le fait que le village porte son nom, il était un baron du bétail, pionnier de l’élevage dans le Sud-Ouest. Il a combattu ardemment les Comanches pour arriver à ses fins. On ne retient ici dans cette maison que le fait qu’il ait sauvé de l’extinction les derniers bisons du Sud de l’Amérique. Ses bisons ont repeuplé Yellowstone, et certains sont partis dans des zoos européens. Et avec leur laine, on a fait les chaussettes des soldats américains de la première guerre mondiale. C’est ce que nous apprend le petit mot de présentation dans le salon. La maison est ultra clean, tu peux enfoncer tes pieds dans la moquette d’au moins 5 centimètres, l’eau du robinet est potable et fraîche car elle provient d’un forage profond, le frigo est rempli de snacks offerts, le bain est une merveille. Je reprends des forces en douceur en attendant de retrouver la 287 vers le vide et Nulle part. Merci Aurélie 2 de m’avoir trouvé ces plans de Airbnb, je n’y aurais jamais pensé. C’est étrange de ne jamais voir ses hôtes, mais ils doivent être sympathiques (je dis cela car j’ai regardé la bibliothèque). Au coucher du soleil, une biche me rend visite et les coyotes chantent. Je suis toute petite sous le ciel.
Nowhere is my future.