Riverside, Californie, USA
>>>>>
Chino Hills, Californie, USA
Samedi 8 Juillet 2023
37,2
Kilomètres
Jour 7
Bon, une étape à 37 kilomètres quasiment sans ombre, ce n’est pas la bonne idée. Ne plus faire. En temps normal, je peux faire cette distance sans problème, mais là, le soleil est trop rude sur le bitume. Pourtant il ne fait que 30 degrés sur la fin du parcours, mais une chaleur sèche, violente. Mes lèvres sont craquelées et je voyais des étoiles à mon arrivée au motel. C’est beau les étoiles, mais ne plus faire. Attendre que mon corps s’habitue. S’il s’habitue.
Quand je suis partie ce matin à 5h20, il faisait quasiment froid. J’adore l’ambiance des stations-services vides. Une chose est certaine, mon GPS n’a vraiment pas intégré l’Amérique. Cette fois il veut me faire traverser une prison d’état pour hommes. Les trois gardiens musclés me disent que je dois rebrousser chemin, mais prennent malgré tout le temps de me montrer par où passer sur le plan. Un beau détour, la prison doit faire la taille de la ville de Malakoff.
J’enchaîne les grands axes, rien à voir avec hier. C’est incroyable la façon dont l’Homme réussit à domestiquer le désert. On arrose en continu les pelouses, stades et bordures de résidences chics. Aux abords des grandes avenues, il y a plein de petits lapins, cela pullule de leurs petits culs tous blancs. Je vais suivre tout la journée une ligne quasi droite, le long d’une circulation parfois très dense. Par moment c’est walkable (« ouholkébeul », accessible à pied !). J’adore ce mot, je l’ai appris hier lors de l’échange avec la joggeuse. À d’autres, je marche directement sur la route. Sur plusieurs kilomètres, je passe entre des élevages intensifs de bovins. Entassés dans la boue derrière des barrières de métal, jusqu’au fond de l’horizon. Certains sont moins nombreux, coincés directement au bord de la route. J’entame une conversation avec une jolie vache (vous savez bien que j’adore ça parler aux vaches), et toutes les curieuses arrivent avec leurs grands yeux étonnés. Elles ne doivent pas avoir l’habitude que l’on s’adresse à elles. Elles sont magnifiques. Pauvres petits choux. N’oubliez pas de regarder les photos, elles parlent souvent beaucoup plus que mes mots dans certaines circonstances. Premiers animaux morts, éclatés au bord de la route. Mais on s’est dit l’année dernière que l’on n’en parlait pas. Les élevages s’enchaînent, cela sent très fort. C’est sans fin. Il faut bien remplir les morceaux de pain de chez McDonald’s. Être positive on a dit. Allez, ne regarde plus ma fille, regarde tes pieds et cherche des trucs pour ta collecte. Tu vas avancer. Il te reste encore plus de cinq heures de marche sur cette route. Ne pense pas au moment où le soleil va percer les nuages. Et fais gaffe, ça a l’air d’être la route préférée des camions. Pense à ton lit ce soir, vise la douche. Les vaches laissent place à des lotissements tous neufs, maisons proprettes et identiques, donc pour moi chemin tout propre avec des bordures verdoyantes copieusement arrosées. Puis nœuds d’autoroutes, surfer au bord des 6 voies. Comme une routine. Je l’ai fait tant de fois l’année dernière. Ce sont les États-Unis, la route de Nulle part, sauf que le soleil me tape maintenant pleine face et le goudron chauffe. Stay positive. Le parc naturel hier était une exception, et j’ai bien fait de m’y perdre. J’active le mode zombie, ignore les montagnes qui m’entourent, avance avec pour cerveau un trou. La grappe de motels et de fast-foods tombe du ciel et je fonce sous une douche glacée.
Nowhere is my future.