Jour 11

Il a fallu puiser au plus profond de mon cortex moteur pour trouver la motivation de quitter cette ville (et déjà mon lit) à 4h30 alors qu’il faisait déjà 30 degrés. Amis qui pratiquent le vélo, vous ne parlez jamais de l’état de vos fesses. Les miennes sont en bouillie ce matin, Werner se moque de moi, au moins lui ne m’entame pas la taille, au contraire, il me masse. J’ai dû me dandiner d’une fesse à l’autre pour réussir à lacer mes chaussures. Je laisse derrière moi les montagnes qui au fur et à mesure de mes pas deviennent oranges. À 6h30, après de grands axes, alors que je visse sur ma tête ma nouvelle casquette tendance basset hound, je longe une rivière à sec sur un chemin bétonné spécial vélos. C’est aridement paisible. De tous petits lapins courent partout. À ma droite, au loin, l’aéroport de Palm Springs. Puis à ma gauche, un terrain de golf. Toute cette verdure sur-arrosée me semble d’une indécence sans nom. Des milliers de mètres cube d’eau pour quelques riches individus qui visent des trous et vont chercher leur balle en voiturette de la NASA. J’ai rarement vu plus con comme activité. À part la chasse à courre, mais c’est une autre histoire et il ne faut pas que je m’énerve, il fait déjà bien trop chaud. J’ai l’extrême honneur d’être suivie un moment par un oiseau roadrunner. Tu m’étonnes que Vil Coyote ne réussisse jamais à attraper Bip Bip, ces choses courent plus vite qu’un lapin. Ce chemin tranquille prend fin, et me voici le long d’une 6 voies, soleil droit devant, 36 degrés. Je me repose un moment à l’ombre d’un abribus à côté d’un cactus géant. Je pense à tous les mini cactus en pots que j’essaye d’entretenir avec amour dans ma maison, et ils me semblent bien ridicules à côté de ceux que je vois ici, en pleine terre et formats arbres. Je passe devant une résidence privée qui s’est affublée à l’entrée de bassins avec d’immenses jets d’eau, et l’eau est colorée en bleu. Why ? Le désert prend le dessus sur le petit chemin de béton au bord de la route en le couvrant de sable. De toute façon, à part moi, personne n’a dû marcher là depuis l’invention du sapin de Noël artificiel. Je finis par me retrouver directement sur la route qui me mène droit dans le soleil. L’air est tellement sec qu’à un moment, mes lèvres gercées restent collées entre elles. Sensation très désagréable : décoller sa peau pour pouvoir ouvrir la bouche. Ça c’est de l’expérience ! Mon motel arrive enfin en plein milieu du vide désertique avec pour compagnie une autoroute, un McDo et une station-service. La jeune fille de l’accueil est adorable, elle me permet de prendre ma chambre à 10h30 au lieu de 16h. Eh oui, départ de nuit égal arrivée tôt. Je me rafraîchis un peu et sort essayer de trouver quelque chose à manger. Il fait 42 degrés. Et revoici l’enfer de la bouffe de station-service. 

Nowhere is my future.