Jour 45

Sans conteste, une journée exceptionnelle. Les choses sont dites. Il n’y a pas de honte au bonheur. Même en allant Nulle part. Matin frais, arbres, verdure, ciel totalement dégagé, pas de circulation sur la route, jolies mamans vaches, bonjour soleil. Les bus scolaires jaunes ont repris du service, c’est Back to School. La playlist me cadence, le parapluie me protège. Deux chiens font bien leur job et m’aboient très fort, mais finissent tout penauds car très impressionnés par Werner et étonnés par la douceur d’une voix. Les montagnes se rapprochent. J’arrive dans le Quartz Mountain State Park. Deux rangers en pick-up s’arrêtent et me donnent de l’eau fraîche, discutent un moment avec moi et me disent Please be our guest. Je viens de loin alors ils m’offrent ma nuit. Ils sont magiques Tim and Jerry ! (!) Ils m’indiquent le meilleur endroit pour être près du lac, et me promettent de veiller sur moi. Je trépigne à l’idée de me baigner. Je n’ai pas fait cela depuis trop longtemps. Je trouve un endroit où je me sens bien et abandonne Werner pour filer au bord de l’eau. C’est magnifique et il n’y a personne. Je ne résiste pas et m’immerge immédiatement. C’est délicieux. Le silence est remarquable. Je nage doucement et fais la planche au milieu du lac. C’est d’une douceur sans nom. Je crois que c’est le meilleur moment de ma vie solitaire. S’il y a une échelle du bonheur, je suis à l’échelon supérieur. Le nez juste au-dessus des vaguelettes, j’ai des fous rires toute seule. Je suis dans un état d’euphorie naturelle rarement égalé. Le camping est au top, toilettes et douches climatisées, eau chaude, propre, point d’eau à côté de mon campement, lac à 100 mètres. En fin d’après-midi, des gens arrivent et dérangent mon lac avec des jet skis et des hors-bords qui crachent de la musique. Au coucher du soleil, le calme revient. Il y a des biches partout, et ma tente est juste en dessous d’un spot de vautours. Me voici seule sous les étoiles, veillée par des rapaces.

Nowhere is my future.