Jour 23

La nuit a été courte encore une fois, mes voisins en camping-cars ont fait la fête tard, puis ils ont laissé leur groupe électrogène en marche toute la nuit. Au réveil tout était humide de la grosse pluie d’hier, j’ai mis un moment à tout caser dans Werner. En partant, j’ai eu droit à ma première bénédiction, de la part d’une dame qui m’a vu plusieurs fois marcher ces derniers jours, elle voulait en savoir plus. Maintenant que Dieu me protège, je peux reprendre la 260 et sa circulation infernale. Ma casquette de basset hound vole à plusieurs reprises avec l’appel d’air des mastodontes, et les montées n’en finissent plus. Je suis vraiment une aventurière à 5 centimes. À chaque fois que je prépare mes trajets, je ne vois pas les montagnes sur les cartes. L’année dernière, je n’ai pas vu venir les Appalaches, quand j’ai fait Paris - Munich sur les traces d’Herzog, je n’avais pas calculé la Forêt-Noire. La White Mountain a dû pousser pendant que j’attendais Werner à Los Angeles, ce n’est pas possible autrement. J’avais prévu de camper en dehors de la « réserve », mais c’est une bien trop longue étape sans télésiège. Il y avait possibilité d’un arrêt intermédiaire dans un camping au bord d’un petit lac. Quand j’arrive devant la bifurcation qui y mène, même s’il est encore tôt dans la journée, je ne réfléchis pas 2 fois, c’est là que je passerai ma nuit. Le plan d’eau est entouré de pêcheurs, je prends un chemin bien escarpé dans la forêt pour trouver où camper est autorisé. Je laisse Werner pour arpenter l’endroit et trouve un site dans une belle forêt où je serai sans humain. Je fais sécher mon matériel encore mouillé et prends le temps de respirer. Dans l’après-midi, juste après ma douche avec un demi-litre d’eau, un ranger arrive pour vérifier mon permis. Il se demande comment je suis arrivée là. Si je suis « in trouble » ou si je suis avec un groupe. Non, je suis seule et suis venue à pied avec « That ». Entrée en scène de Werner. Le ranger est absolument épaté tant de la chose que du périple en lui-même. Et encore plus du fait que j’ai mon permis de camper. Il me dit que personne ne l’a jamais, tout le monde dit « Oh mais je ne savais pas ». Et une française a son permis ! « I apreciate. » dit-il. Il me rappelle qu’il ne faut pas faire de feu et dit « Nous avons des ours, bien sûr vous savez comment faire avec les ours. ». Euuuuhhh. Oui bien sûr. Je mets ma nourriture loin de là où je dors. Oui voilà, et si vous en voyez un, vous faites beaucoup de bruit et de grands gestes. Voilà oui, je ferai comme ça. Merci Monsieur. Il était gentil. Je profite d’une petite brise allongée juste sous la moustiquaire de ma tente. Je regarde les nuages. C’est un délice. Je suis complètement seule avec les oiseaux. Et les écureuils. Un petit malin grignote même ma poubelle. Tu crois que je ne t’ai pas vu timachin ? Il revient ensuite à l’attaque sur ma mini-glacière. Je sens que la nuit va être matière à Field Recording.

Nowhere is my future.