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Flagstaff, Arizona, USA
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Phoenix, Arizona, USA

Lundi 17 Juillet 2023

16,7 + (241)
Kilomètres

Jour 16


Phoenix était la ville charnière. C’était là que je devais prendre la décision. Et j’ai eu du mal à la prendre. À faire le deuil de mon itinéraire travaillé pendant des mois à l’atelier, le nez sur des cartes, d’étape en étape. Mais je n’ai pas le choix. Je ne peux pas traverser un mur de chaleur. Le chemin tout droit tracé vers l’Est sur la carte initiale n’est pas humainement praticable. La chaleur aurait ma peau et bien plus. Phoenix est la dernière ville avant Nulle part depuis laquelle partent des bus. Nous avons passé des heures et des heures au téléphone avec Aurélie 2 à scruter des routes et des chemins. Je pars au nord pour contourner la canicule. Direction Flagstaff en bus Greyhound. Je vais aller Nulle part en compagnie de gens qui vont quelque part. Départ 8h50. Ensuite, il faudra inventer chaque jour. Pour retrouver la route de Nulle part, cela va être complexe. À part de grosses autoroutes ou des chemins sans possibilités d’étape, il n’y a pas grand-chose. C’est encore le désert. Un grand vide avant Nulle part. J’improviserai au fur et à mesure. Stay positive. Il y a tous types de chauffeurs Lyft, tous types de gens qui doivent faire ce second job pour survivre. Certains ne sont pas causants du tout. Richard, qui m’a amené à la gare ce matin l’était à fond. Il m’a exposé une splendide théorie (dont il est persuadé) : rester le plus longtemps possible au soleil empêche d’avoir le Covid. Bien Monsieur. Je n’ai pas osé lui dire que j’ai eu un bon gros Covid, l’année dernière dans son pays, en passant absolument toutes mes journées à marcher seule au soleil. Les alentours de la gare sont constellés de SDF dans un état vraiment effrayant. Ils prennent de la Xylazine, que l’on nomme « la drogue du zombie ». Une dose coûte quelques dollars et tu es défoncé et accro très vite. Et tu agis vraiment comme un zombie au cinéma. Tu marches un peu penché en avant les bras ballants, parfois tu fais des gestes saccadés injustifiés, tu sautes sur place, t’écroules, agites les bras. C’est vraiment terrifiant. Et certaines personnes sont très jeunes, et beaucoup sont des femmes.

8h50, le film commence. Les gens dorment, moi je scrute. Les paysages changent vite à cette vitesse. Le vert revient. Un vert sec. Les cactus laissent la place à de petits arbres. Passer des montagnes semble si simple. On fait un arrêt dans les effluves gras d’un McDonald’s. Je rencontre King, un Chihuahua pas peu fier. Et deux petits oiseaux tombés du nid. Lorsque je m’approche pour voir s’ils sont capables de voler, la mère qui crie autour m’attaque en piqué. Ces deux petites choses vont probablement griller au soleil. Fin de l’entracte. On monte encore. Le bus peine et craque de partout. Forêt sèche. Puis de grands pins. Enfin de grands arbres. Respirer. En sortant du bus à midi, il ne fait que 32 degrés. C’est bon. Me reconnecter à Werner est un truc incroyable, on s’enlace, on avance direction un motel réservé. La ville sent bon les arbres. Revoir des nuages est comme une découverte. Il y a même un orage qui se prépare au loin sur les montagnes. La première chose à faire est d’aller acheter à manger. Il ne me reste que des fruits au sirop volés sur le buffet du dernier motel. Je trouve tout ce dont j’ai besoin et m’extasie toujours devant les épouvantables gâteaux colorés. En rentrant du supermarché, il commence à tonner. Cela me rappelle de grosses frayeurs sur ma route vers Nulle part par l’Est. Mais là ça va, cela ronronne juste sur les montagnes et produit des ciels magnifiques. Je vais ensuite marcher un peu au hasard, et évidemment, je tombe sur un studio de tatouage. Alors c’est Kay qui me met FLAGSTAFF dans la peau. Elle est peu bavarde, c’est le tattoo à la chaîne. Nous sommes dans une ville touristique, traversée par la route 66 et son folklore, et étape pour la visite du Grand Canyon à 1 heure 30 de voiture au nord. Mais j’aime cette ville car on y entend les trains. Et c’est la ville de James Turrell. Sur le chemin de Nulle part, je n’ai jamais été si proche de son Roden Crater. Hélas, il n’est toujours pas ouvert au public. Je suis déjà venue plusieurs fois à Flagstaff, de passage, pendant des road trips, j’ai à chaque fois tenté une visite de cette pièce de Land Art extrême. J’ai même essayé de la trouver dans le désert avec les coordonnées GPS. Je ne la verrai certainement jamais. Je fais un arrêt au Visitor Center situé dans la vieille gare pour me procurer des cartes de la région. Et puis je fais un cadeau à Werner, même boudeur, il mérite son autocollant Arizona. C’est en le lui mettant que je me rends compte que j’ai perdu Indie, le petit suricate de proue. Cela me fait une petite faille au cœur. J’espère que quelqu’un derrière moi ramasse aussi les choses au sol et que Indie ne finira pas comme les deux petits oiseaux de ce matin.


Nowhere is my future.

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Dimanche 16 Juillet 2023

Mardi 18 Juillet 2023

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La publication de ce journal est soutenue par Les Tanneries - Centre d'Art Contemporain d'intérêt national à Amilly.

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