Cottonwood Campground, Oklahoma, USA
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Quartz Mountain State Park, Oklahoma, USA
Jeudi 17 Août 2023
24,2
Kilomètres
Jour 47
Coincée sous ma moustiquaire pour éviter les guêpes qui pullulent, essayant de respirer malgré les 42 degrés et le vent brûlant, je pense aux gens de Phoenix que l’on soigne de la chaleur en les mettant dans des sacs mortuaires remplis de glace. Je me dis que grand nombre des SDF défoncés au sol que j’ai croisés doivent être morts. 300 personnes le sont depuis que j’ai fui cette ville. C’est épouvantable de vertige. Ici je lutte comme je peux. Parapluie, écharpe fraîche, des litres d’eau, je ménage mes efforts. Je suis toujours dans le park, mais j’ai contourné le lac, seule façon d’aller à l’Est. Après une nuit brûlante très peu consommée par le sommeil, j’ai fait mon étape sans trop réfléchir. Heureusement que Tim et Jerry étaient là, de vrais anges gardiens. Un salut de Tim à mon départ, il vérifie que tout va bien, il connaît la longue route que j’emprunte et me dit que l’on se retrouve quand j’entrerai à nouveau dans le park, de l’autre côté. Entre temps mon GPS, voulant me faire un raccourci, me plante direct sur une voie sans issue, détour géant dans la fournaise. Peinant sous mon parapluie, arrive en face de moi le pick-up de mes rangers préférés, main tendue par la fenêtre, Jerry me met dans les mains une bouteille d’eau glacée. Plus que 2 miles, dit-il. Brigade de choc. À peine entrée dans le camping le plus aride qui soit, les revoici avec de l’eau et de la glace. En pelletant les glaçons, je dis dans ma barbe My life for a fresh Coke. Une demi-heure après j’étais servie, ils étaient de retour, et avec le plus beau des sourires. Je change plusieurs fois d’endroit dans le Cottonwood Campground. L’emplacement qui m’était attitré n’a pas d’ombre. Le deuxième a des guêpes sous la table. Le troisième un énorme nid de guêpes dans l’arbre qui fait de l’ombre. Le quatrième est le bon. J’y installe juste ma moustiquaire. Ici pas de toilettes climatisées, mais plutôt un four. Mes Power Rangers m’ont dit que le lac était de l’autre côté de la colline et que c’était très beau. Alors me voici partie sur le sentier ultra sec qui serpente derrière le camping. Je me prends une dune de sable à pic, et en nage, découvre un paysage de SF. La planète Mars, avec de l’eau. Cette rive du lac est totalement sauvage, mais il est impossible de rester là sans cuire sur pied. Je m’étonne même que le lac ne soit pas en ébullition. Il a ensuite fallu tenir l’après-midi sous 42 degrés. J’ai eu quelques moments d’absence durant lesquels je ne faisais rien d’autre que regarder dans le vide et attendre. C’est alors que mon téléphone a retenti avec cette sonnerie très particulière que je ne lui connais qu’aux États-Unis. Cette sirène qui annonce un danger dans l’endroit où tu te trouves. Tornade, orage violent, feux… Je sursaute et mon ventre se tord immédiatement. C’est un avis d’enlèvement pour une petite fille de 12 ans.
Nowhere is my future.