Jour 36

L’accessibilité à Nulle part n’est pas aisée. Le désert est partout. Quelle que soit la route empruntée, au bout d’une ou deux étapes, elle mène dans une impasse. Les Salamanca, la bombe atomique, les rattlesnakes et la soif. J’ai à nouveau dû faire une grosse avancée en bus Greyhound. Cette partie de la planète n’est pas traversable autrement par la petite dame à pied que je suis. Je ne tente pas une compétition de survie mais juste d’arriver Nulle part entière et vivante. Même si la solitude est grande. Et parfois presque un abîme. Sur la route de la gare, dans la ville vide comme un dimanche trop matinal, je suis passée devant le Dog House, lieu dans lequel les personnages de Breaking Bad aiment manger des hot-dogs. Et juste après, la réalité a dépassé la fiction. Des dizaines de personnes défoncées, affalées au sol ou sur des bancs. Plus j’approche de la gare, plus l’état des gens fait peur. La crasse qui mange la peau, des plaies béantes, des cris, des râles, des bouteilles qui se cassent, de la tristesse et du désespoir. Le bus est plein et presque à l’heure. Il file sur la 40 dans une immense traversée plate, sèche et inhospitalière. Les gens dorment, certains sont dans ce bus depuis très longtemps et vont jusqu’à Saint-Louis. Je suis la seule à descendre à Tucumcari. Qui d’autre pourrait s’arrêter là ? Pour aller chercher mon motel, je marche sans fin au bord d’une partie de la route 66 en ruines. Seul un établissement sur 10 est encore ouvert. Motels, bars, restaurants, tatoueurs, garages, tout est abandonné et en décrépitude. Je suis fatiguée. Rire me manque.

Nowhere is my future.