Jour 43

Jésus t’aime. Mais oui bien sûr. Il n’y a absolument rien à faire à Clarendon. Mais mon corps demandait un jour off. La fatigue m’écrase. Par contre, je n’ai aucune envie de rester au Western Skies Motel. La salle de bain pue la mort, le wifi ne fonctionne pas, la clim fait un son de navette spatiale au décollage, il n’y a pas de machine à laver. Et la compagnie d’une mouche affectueuse m’agace profondément. Je change d’endroit et prend une chambre dans un motel un peu plus loin au bord de la route. Je trouve dans un diner-magasin qui vend tout et n’importe quoi, des serflex pour réparer au mieux Werner. Toujours les mêmes points d’attache qui déséquilibrent tout, mais c’est plus costaud. Je fais cela dans le lobby du motel, en attendant ma chambre, et pendant que mon linge se lave. Jay, le vieux type qui s’occupe de l’accueil, lorsqu’il voit mon passeport, me parle longuement de son grand-père qui a fait la première guerre mondiale en France. Il me raconte tout un tas d’anecdotes en riant entre chaque phrase, mais je ne comprends absolument rien tellement son accent est fort. Ce qu’il dit ressemble à du chewing-gum mélangé à de la pomme de terre chaude, c’est incompréhensible. Je ne connaîtrai jamais les péripéties de ce soldat, mais cela avait l’air passionnant. Ce day off doit également me servir à trouver une voiture pour passer un abîme de vide demain. Je montre donc ma carte à Jay, lui explique l’affaire, lui dit que je cherche quelqu’un de gentil pour un ride de 40 minutes vers l’Est. Il me dit que sa femme va m’aider. Elle est actuellement à l’église où elle travaille, mais il m’appellera dans ma chambre quand elle sera dispo. OK. Je pars confiante me disant que cela a été simple. Un épisode de Breaking Bad plus tard, le téléphone sonne et je suis appelée dans le hall. J’arrive tout sourire pour rencontrer cette dame qui, je le pense, va me driver demain. Je tombe sur la femme la plus obèse que je n’ai jamais vue, engoncée dans le fauteuil du lobby, avec à la main une brochure publicitaire pour une station de taxis où il faut réserver plus de 24 heures à l’avance, qui ne travaille pas le dimanche, et qui ne dessert pas ma destination. OK. Je parlemente, explique à nouveau l’idée. Juste quelqu’un de gentil qui veut bien m’aider. Elle me dit que son église peut me donner un peu d’argent et un repas. Mais %#%*$ je cherche une voiture, pas la charité. Elle me parle comme si j’étais demeurée et me regarde comme si j’étais le vice incarné. « Téléphonez à mon église » sera sa dernière proposition. Je pars dépitée. Je tente d’appeler les amis de Djissus, mais personne ne répond. Grand vide biblique. Je vais faire un tour dehors pour me détendre. Sur le banc, à côté de l’entrée de l’hôtel, Cassey fume sa cigarette. Elle vient de finir le ménage des chambres. Elle me sourit et me salue. Je m’assieds à ses côtés et lui explique ma situation. Elle a la dentition la plus indescriptible qui soit. 3 ou 4 dents qui partent à l’avant, maintenues par des pièces métalliques visibles. Les dentistes ici doivent avoir fait des études de vétérinaires. Et s’équipent chez Casto. Enfin ceux qui sont accessibles aux revenus d’une femme de ménage. Cassey me dit qu’elle m’emmènera demain après son service. Elle a l’air lunaire, mais me promet de frapper à ma porte si sa voiture est sortie du garage, et si elle n’a pas trop de travail. Bon, cela fait beaucoup de si, mais on verra demain. Je décide de ne pas m’en faire. À quoi bon ? Je ressors de ma chambre uniquement pour aller acheter du raisin au Dollar General juste en face. Un orage sérieux s’annonce. Je n’ai jamais été si près de Psyché, mais le chemin s’avère épineux. Comme la couronne de celui qui nous aime. Of course.

Nowhere is my future.