Jour 4

Werner est revenu ! Lorsqu’à 8h30 je suis allée à l’accueil du motel pour demander si je pouvais prendre à nouveau une nuit car Air France venait de me dire qu’il pourrait encore se passer 24 heures avant que mon bagage me soit livré, la dame m’a dit « Mais il est arrivé votre sac, il est dans le bureau ! ». J’ai crié et dansé dans le hall comme une enfant qui retrouve son doudou disparu. Heureuse comme un clébard qui a déterré un os, comme un chat qui fait ses griffes sur ton canap, comme des amants qui se retrouvent, comme quand tu ouvres une lettre recommandée qui n’est pas un PV ou un truc à payer. Quand la dame me l’a amené, j’ai parlé à Werner comme à un petit animal blessé. Elle a vraiment dû me prendre pour une allumée. M’en fous. J’ai retrouvé mon compagnon de route. Pauvre petit chou, son sac de plastique Air France était tout déchiqueté et on lui avait ouvert toutes les poches. Il n’était pas rangé comme au départ, et il manque quelques petites choses, des médicaments contre la déshydratation, un bout de mon pied photo et un sac avec des produits de toilette. Mystère. Mais il roule mon ami et il a envie de tailler la route. Enfin quitter cette chambre. Alors remontage, rangement et nous voici partis vers l’Est. Soleil pleine face, mon ombre glisse et s’étend sur Werner. Oui Laetitia, il m’a pris par la taille et c’était bon. Je me retourne régulièrement pour le regarder. Je n’en reviens pas, nous sommes partis. Le soleil tape dur, les avenues sont longues, il faut parfois faire des détours pour ne pas déranger des SDF endormis sur les trottoirs. Partout des restes de cette nuit. Des restes de pétards, fusées et cotillons traînent partout, des canettes de bière vides et des chaises en cercle ou demi-cercle dans les jardins. Oui, une belle nuit de fête. Des quartiers pauvres aux résidences de luxe. Je traverse la Los Angeles River. Tant de films ont été tournés là, avec des courses de bagnoles de dingue au fond de ce canal. Il est d’ailleurs criblé de traces de pneus et de burns. J’emprunte le trail qui longe la rivière. Werner a une furieuse envie d’aller faire des rides et moi je m’y vois bien à fond avec la voiture de mes rêves (une Mercury Cougar 1968). Le trip que doivent se faire les gens qui se pètent des courses comme dans « Grease » ! Marcher sur ce trail est un bonheur pur. J’y suis seule, la tête pleine de cinéma et de la musique à fond. La playlist spéciale Road to Nowhere West que m’a fait mon amoureux. Que des morceaux que j’adore et qui me font danser. Alors je danse (et en même temps je cuis car je ne sens pas le soleil de midi grâce au petit vent frais, oui j’ai oublié de mettre de la crème solaire, oui j’ai les épaules cramées, non je n’oublierai plus de m’en tartiner). Et c’est bon. Mais alors tellement. Werner danse aussi. Nous sommes heureux à en pleurer des petits chats tout doux. La collecte de déchets endémiques aux États-Unis recommence, j’ai déjà de belles pièces. Je vous montre juste un magnifique spécimen. J’ai appuyé sur des dizaines et des dizaines de boutons pour traverser des routes, j’ai fait une pause à l’ombre et me suis forcée à manger un peu. J’avoue que cela m’a fait du bien. J’ai fini par arriver à mon motel du soir. J’ai le corps littéralement bouffé par les fourmis qui habitent sur la tombe de Buk. Ça fait mal à s’en arracher la peau. Mais cela en valait la peine. Un jour après l’autre, Alive.

Nowhere is my future.